Directeur dans le social et le médico-social, un métier qui n’attire plus

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Ces dernières années, les formations pour devenir directeur d’établissement sanitaire, social et médico-social sont confrontées à une pénurie de candidats. Pire, quand les élèves sont diplômés, ils quittent le secteur de plus en plus vite. Conséquence : de nombreux postes demeurent vacants.

« J'ai récemment rencontré une directrice en reconversion qui m'indiquait avoir choisi ce métier pour être au contact des personnes âgées, pour essayer d'améliorer leur vie. Elle déplorait ne plus avoir assez de temps à leur consacrer car trop occupée à remplir des tâches administratives. Elle envisageait sérieusement de démissionner. » Cette analyse entendue lors du congrès de la Fnaqpa (Fédération nationale avenir et qualité de vie des personnes âgées), les 15 et 16 juin à Avignon, est assez révélatrice de l’inquiétude du secteur. « Après les aides-soignantes et les infirmières, nous allons être confrontés à une pénurie de directeurs d’Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) », pronostique Pascal Champvert, président de l’AD-PA (Association des directeurs au service des personnes âgées). Une observation qui pourrait s’étendre à l’ensemble du secteur social et médico-social. Car force est de constater que diriger une structure n’est plus attractif.

« Le concours de directeur d’établissement sanitaire, social et médico-social (D3S) ne séduit plus, assure le CNG Santé (1)Le nombre de candidats a diminué entre 2015 et 2020. Si les postes au concours sont globalement pourvus, les lauréats décident parfois de rejoindre d’autres formations, de sorte qu’il y a, in fine, moins d’élèves formés que de places disponibles au concours. »

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« Cela fait plusieurs années que le nombre de candidats au versant médico-social de l’EHESP (Ecole des hautes études en santé publique) est en perte de vitesse, renseigne Eve Guillaume, présidente du COD3S, le collectif des directeurs d'établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux du secteur public. Alors que les promotions peuvent compter jusqu’à 100 élèves, en moyenne, il n’y en a que 70 à 80. » Autre preuve du manque d’attractivité de la profession : un acteur majeur du secteur du grand âge confie avoir été obligé de décaler la rentrée de son institut de formation en raison d'un manque de candidats.

Des diplômés démotivés

Pour sa part, Damien Lagneau, ancien directeur d'établissement social et médico-social et délégué permanent au CHFO (2), s’inquiète d’« un phénomène nouveau » : « A peine deux ans après la validation de leur diplôme, des directeurs demandent à quitter le secteur alors qu’auparavant cette réflexion n’intervenait qu’après une dizaine d’années. » S’il est difficile de chiffrer cette tendance, certaines statistiques illustrent parfaitement les difficultés actuelles.

Ainsi, au 1er janvier 2022, selon les données du CNG Santé, 1 640 directeurs d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux étaient en activité dans la fonction publique hospitalière, contre 1 873 dix ans auparavant, soit une diminution de 12,4 % (- 1,3 % par an en moyenne). Autre chiffre marquant : le solde des entrées-sorties des directeurs est négatif en 2021 (- 44 D3S). Une tendance qui persiste depuis 2014, avec un plus haut niveau constaté en 2016 (- 55) et un plus faible en 2015 (- 2).

Enfin, régulièrement, le Journal officiel publie un avis de vacance d'emplois dans la profession. Le dernier date du 22 juin et fait état de 38 postes à pourvoir, essentiellement dans le champ des Ehpad. Pour tous les acteurs interrogés, ces renoncements s’expliquent principalement par la perte de sens au travail.

« En plus d'aider des personnes âgées à bien vieillir, les directeurs doivent répondre à des appels à projets, faire du reporting aux ARS (agences régionales de santé), remplir des dossiers, des tableaux de bord pour les autorités de tarification... », déplore Damien Lagneau. « Directeur d’Ehpad est un métier intellectuellement très intéressant. Nous réfléchissons à la stratégie de notre structure et à l’accompagnement des résidents de demain. Mais on nous en demande de plus en plus et nous n’avons pas toujours les moyens de nos ambitions », confirme Eve Guillaume, qui gère un établissement public à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis).

« La pression est de plus en plus forte »

Acteur et observateur du secteur depuis une trentaine d’années, Pascal Champvert déplore « une ambiance de plus en plus dégradée »« Je suis frappé par le nombre de personnes qui démissionnent alors qu’elles estimaient pouvoir exercer jusqu'à 64-65 ans. D’autres indiquent déjà qu’elles ne vont pas occuper cette fonction éternellement. La pression est de plus en plus forte. » Selon les statistiques du CNG Santé, les directeurs du public n’attendent plus leur retraite pour quitter le secteur.

Dans le détail, sur les 1 224 sorties, entre 2012 et 2021, seulement 654 l’ont été pour cause de départs à la retraite, soit 53,4 %. En 2021, ce pourcentage n’était que de 35,5 %. « Pour la première fois cette même année, on a recensé davantage de sorties par la titularisation dans le corps des directeurs hospitaliers (49 D3S) que de départs à la retraite (44 D3S) », souligne l’organisme.

En réalité, ce phénomène de migration des D3S vers des postes en milieu hospitalier existe depuis une dizaine d’années, estime Damien Lagneau. Pour le délégué du CHFO, la raison principale de ces mutations se trouve dans le trop grand différentiel de rémunération « eu égard aux responsabilités endossées »« Il faut remettre un peu d'égalité entre les directeurs d'hôpitaux et les D3S, affirme Eve Guillaume. Si nous passons les mêmes concours, pour autant nos carrières n'évoluent pas de la même manière. Il faut redorer l’image de la fonction. »

C’est dans cette optique que le CNG a mis en place, en octobre 2021, une campagne de promotion des métiers, parmi lesquels celui de D3S, pour « faire découvrir le secteur médico-social, les responsabilités qui peuvent y être exercées en tant que directeur et les parcours professionnels diversifiés possibles ». Une opération de communication qui semble porter ses fruits : le nombre de candidats au concours est de nouveau en augmentation, passant de 369 en 2020 à 431 en 2022.


(1) Etablissement public administratif sous tutelle du ministre chargé de la santé, le CNG assure notamment la gestion statutaire et le développement des ressources humaines des praticiens hospitaliers et des directeurs de la fonction publique hospitalière des secteurs sanitaire, social et médico-social.
(2) Le CHFO fait partie de la Confédération FO et de sa Fédération des services publics et des services de santé. Il est composé de cadres de direction, de directeurs d’hôpital, de directeurs d’établissement sanitaire et social et d’établissement médico-social, de directeurs de soins, d'ingénieurs, ainsi que d’attachés d’administration hospitalière, de cadres de santé, de cadres sage-femmes, de cadres administratifs et techniques.