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Usure professionnelle et maladie d'Alzheimer : tenir, mais jusqu'à quand ?
Crédit photo Pavo
Le petit dernier des hors-séries des ASH vient de paraître.
Une course de fond
Des cris, des questions répétées à n’en plus finir, des comportements réactionnels qui peuvent être teintés d’agressivité ou d’une apathie désarmante, une dépendance de plus en plus marquée. Que ce soit à domicile ou en établissement, le quotidien des professionnels accompagnant des personnes souffrant de troubles neurodégénératifs de type Alzheimer s’apparente à un marathon où l’enjeu est de tenir sur la durée. Coûte que coûte. À l’heure où le secteur médico-social est à bout de souffle, la gériatrie en est la parfaite illustration. Si la loi de 2015 visait à qualifier le vieillissement de véritable « chance » pour la société, les bonnes intentions ont semble-t-il été oubliées en raz campagne. Les images négatives liées la perte d’autonomie l’emportent toujours autour de personnes qui ont perdu leur statut de citoyen à part entière, d’une médicalisation faite aux dépens de l’approche sociale, d’une forte proportion de professionnels en arrêt maladie, de conditions éprouvantes et de salaires bas. Même la démarche qualité – qui demande du temps et de l’énergie – se réalise au détriment des personnes vulnérables. Quel paradoxe.
Dans ce contexte, comment éviter la fatigue, l’épuisement (d’ailleurs plus moral que physique) voire le burn-out ? Avec toute la bonne volonté du monde, les erreurs s’accumulent aux prix de frustrations et d’incompréhensions. Plus inquiétant, malgré la motivation et une solide formation, le travail quotidien s’avère être une expérience qui éprouve. La souffrance des soignants, car c’est bien de cela dont on parle, vient en partie de la perte de sens. Comment éprouver du plaisir si on se cramponne aux plannings imposés ? Comment réussir à garder son professionnalisme quand le temps des interventions diminue passant de 60 à 30 minutes à domicile ?
Le pas de côté nécessaire
C’est bien cette quête de sens qui devrait être investie par les directions pour redonner l’envie, le goût et la satisfaction aux équipes de terrain. Le pas de côté est indispensable pour poser la base d’une réflexion, d’une discussion autour de cas pratiques, de situations vécues difficilement. Sur le terrain, les initiatives se multiplient, que ce soient les groupes d’analyse de la pratique où la souffrance peut enfin s’exprimer, que ce soit le soutien aux plus jeunes professionnels qu’il faut accompagner. Chacun a sa recette : savoir s’écouter, poser deux jours de repos d’affilée, faire du sport, de la danse… l’idée est de pouvoir souffler car en rentrant à la maison, c’est souvent le silence qui s’impose : difficile de parler au milieu du dîner de protections qui débordent, de coups reçus…
Faire bonne figure quand ça va mal n’est pas une solution pérenne. Certains puisent leur énergie dans leur motivation, dans le soutien de leurs collègues partagé autour d’un café, dans le sourire réconfortant d’un usager. Les quelques avancées obtenues par le Grenelle auraient dû placer la souffrance professionnelle au coeur des préoccupations. Ce n’est pas le cas. Alors comment faire cohabiter les contraintes institutionnelles et les valeurs du prendre soin ? En misant sur une nouvelle priorité organisationnelle, en remettant l’humain au centre de la relation de soins et en se réinventant. Depuis plusieurs années, l’offre de répit se développe pour les proches aidants, alors pourquoi ne pas s’en inspirer pour les professionnels fatigués ?