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Une ceinture intelligente créée pour que les malvoyants se déplacent "sans la vue"
ACCESSPACE est un dispositif d’assistance créé pour les déficients visuels afin qu’ils puissent se déplacer en toute autonomie. Composé d’une ceinture, d’une paire de lunettes équipée de cameras et d’un smartphone, l’application est un GPS intelligent qui cartographie l’environnement du porteur et le dirige en toute sécurité, au grès de ses déplacements.
Ce dispositif est conçu et en prototypage académique par Marc-Aurèle Rivière, doctorant au LITIS (Laboratoire d’Information, du Traitement de l’Information et des Systèmes) de l’Université de Rouen Normandie et au CesamS de l’Université Caen Normandie, sous la direction du Pr. Edwige Pissaloux avec la participation d’Elise Faugloire. Il sera présenté en 2020 à Rouen.
Pour que la recherche puisse révolutionner le quotidien, PhDTalent rend accessible gratuitement chaque mois, une publication scientifique significative d’un jeune PhD avec un vocabulaire compréhensible de tous.
« Je suis heureux de pouvoir faire connaître largement mes travaux de recherche grâce à la présentation par PhDTalent sur leur plateforme publique. Je travaille avec une équipe pluridisciplinaire qui a pour objectif de combiner théories neurocognitives de la perception humaine, avancées de l’intelligence artificielle et des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) pour mettre au point des dispositifs innovants qui permettront d’améliorer la sécurité, la qualité de vie et l’intégration des déficients visuels dans la société. », explique Marc-Aurèle Rivière, PhD.
Un GPS intelligent pour l’autonomie des malvoyants :
Avec 285 millions de déficients visuels, recensées dans le monde par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) en 2014 - dont on estime que le nombre va continuer d’augmenter avec le vieillissement de la population - leur intégration et autonomie au quotidien est un véritable enjeu de santé publique.
« En leur évitant de se sentir perdues lors d’un déplacement dans un environnement inconnu, ACCESSPACE permettra d’accroître l’autonomie et la sécurité des malvoyants et facilitera ainsi leur intégration aux activités culturelles, sociales et économiques de notre société. », détaille Marc-Aurèle Rivière.
Les dispositifs de substitution sensorielle (DSS), de type interfaces homme-machine, soulèvent de nombreux défis scientifiques, qui peuvent être résumés en 3 problématiques :
► Sous quelle forme communiquer une information visuelle complexe (par exemple, la carte d’un quartier) via un autre sens (comme par exemple le toucher), tout en restant compréhensible et intuitif ?
► Quel type d’interface est le plus adapté pour communiquer et interagir avec l’utilisateur pour une tâche donnée ?
► Quels capteurs et algorithmes employer pour obtenir de manière fiable et rapide les informations que l’on veut ensuite communiquer à l’utilisateur ?
L’objectif de l’article de Marc-Aurèle Rivière, publié par PhDTalent, est d’apporter une possibilité de réponse à ces questions en présentant son dispositif, une aide électronique à la mobilité pour les déficients visuels.
Explication du sujet :
Ce dispositif est un GPS spécialisé pour personnes à déficience visuelle, qui a pour objectif de leur permettre de percevoir et comprendre de manière intuitive la topographie - c.a.d. l’agencement spatial - de leur environnement, par l’intermédiaire de vibrations envoyées à partir d’une ceinture portée sous les vêtements.
Ce produit souhaite aller au-delà des applications GPS traditionnelles pour DV qui ne leur fournissent qu’un « Fil d’Arianne » à suivre, sans moyen pour eux de vérifier / valider les informations reçues (ils sont « dans le noir » / en totale dépendance du dispositif).
En effet, l'objectif est de leur fournir suffisamment d’informations pour pouvoir se repérer et s’orienter par eux-mêmes, en se construisant leur propre carte mentale de l’environnement. Ils redeviennent acteurs / reprennent le contrôle de leur mobilité.
Communiquer une carte sans pouvoir l’afficher « visuellement » est un défi : les cartes géographiques - comme celles affichées par un GPS - fournissent énormément d’informations, et dans un format pensé par et pour les voyants. Et fournir toutes ces informations par le toucher ou l’audition, est impossible : ces canaux sensoriels sont bien trop limités comparés à la vision. Il faut donc trouver une manière de synthétiser ces informations au minimum réellement indispensable, pour s’orienter et se déplacer : on parle de gist spatial.
L’idée ici est de déterminer quelles informations sur notre environnement sont réellement nécessaires pour que notre cerveau puisse le cartographier (domaine d’étude de la cognition spatiale), et parmi ces informations, lesquelles sont dépendantes de la vue, et en transmettre un substitut via notre dispositif, permettant ainsi à notre cerveau de compenser la perte de la vision pour les interactions avec l’espace.
En s’appuyant sur des modèles de cognition spatiale, nous avons établi une représentation de l’espace par 4 types d’informations :
► Les obstacles proches, sur le chemin du malvoyant : pour savoir où ne pas aller.
► La destination : pour savoir vers où aller.
► Les chemins alentours qu’il est possible d’emprunter : pour savoir par où il est possible d’aller.
► Les points d’intérêts aux alentours (monuments, places connues, son domicile, …) : pour savoir où l’on est.
L'hypothèse est que, communiquer ce gist sera suffisant pour que les malvoyants puissent percevoir et se représenter mentalement la topographie de l’espace qui les entoure, pour se déplacer en autonomie et en sécurité, tout en ayant la possibilité de choisir le chemin qu’ils préfèrent emprunter.
Nous avons souhaité concevoir et mettre au point une interface permettant de communiquer ce gist de manière intuitive. En nous basant sur différentes études ergonomiques, ainsi que sur des théories de la perception, nous avons décidé de transmettre ces informations via une ceinture équipée de vibrateurs placés tout autour de la taille de la personne – un langage tactile est né.
Pour tout élément de l’espace pertinent au déplacement du malvoyant, le vibrateur placé dans la direction de cet élément, sera activé avec une intensité qui augmentera si l’élément indiqué se rapproche, à l’image d’un radar de recul. De même, si l’élément indiqué se déplace autour du malvoyant (e.g. un piéton), la vibration suivra son déplacement autour de la taille, lui permettant ainsi de ressentir les mouvements autour de lui.
Un type spécifique de vibration sera associé à chaque composante - obstacle, point d’intérêt, etc. -afin qu’ils soient distincts, tout comme les différents types de vibrations de notre smartphone à la réception de messages différents - email, SMS, messagerie instantanée, etc.
Cette communication égocentrée est très intuitive à interpréter. Après quelques temps d’entraînement, plus aucune concentration n’est nécessaire pour y parvenir : l’utilisation de la ceinture devient innée.
Enfin, le dernier défi concernait l’acquisition de ces informations par le dispositif. « Il faut que le dispositif soit capable de détecter les obstacles ainsi que d’établir une carte des alentours pendant les déplacements du porteur ». Il faut donc l’équiper de capteurs et d’algorithmes appropriés pour acquérir ces informations de manière fiable, même à l’intérieur de bâtiments, où aucune information GPS n’est disponible.
Pour cela, le dispositif inclura une paire de lunettes équipée de cameras sur chaque branche, d’une centrale inertielle (et d’une puce GPS pour l’extérieur). Ces capteurs transmettront des informations à une application dédiée installée sur le smartphone de l’utilisateur. Les algorithmes d’intelligence artificielle employés - similaires à ceux équipant les véhicules autonomes - fusionneront ces informations et en déduiront le gist spatial des alentours, qui sera transmis au malvoyant par des vibrations au travers de la TactiBelt, une ceinture placée sous les vêtements du patient.
Une thèse entre informatique et Neurosciences, par Marc-Aurèle RIVIERE, jeune PhD :
Doctorat en préparation au LITIS (Laboratoire d’Informatique, du Traitement de l’Information et des Systèmes) de l’Université Rouen Normandie, Marc-Aurèle Rivière effectue une thèse à la jonction entre Informatique et Neurosciences Cognitives.
Il travaille au sein d’une équipe pluridisciplinaire, répartie entre l’Université de Rouen et de Caen, dont la thématique de recherche principale est le développement de dispositifs électroniques d’assistance aux déficients visuels.