Ukraine : des Français au secours d'enfants handicapés

Des enfants handicapés ukrainiens réfugiés à Varsovie ont bénéficié d'une distribution gratuite de plus d'une tonne de matériel adapté. Récit d'un convoyage exceptionnel par deux associations françaises* au secours de ces "enfants à roulettes".Haut du formulaire*

Les témoignages sont effrayants. Toutes les familles nous racontent leur calvaire. D'abord les bombes, les heures et les nuits passées dans les sous-sols, les enfants portés et consolés durant des heures, les médicaments oubliés dans l'affolement, le son assourdissant des sirènes qui épouvante ou sidère, la panique qui provoque des crises d'épilepsie à répétition…La guerre est intenable avec un enfant en situation de handicap. Alors les parents pensent à partir...

Les appareillages sous les décombres

Partir pour sauver leur enfant, partir car les familles qui sont confrontées au handicap se savent encore plus fragiles et démunies que les autres. Partir loin des sirènes stridentes qui empêchaient le petit Alexander de manger, loin d'une vie underground insupportable à la petite Maria, partir pour que le cauchemar s'arrête enfin. Mais partir sans rien ou presque. Le fauteuil est le plus souvent resté dans l'appartement, les appareillages souvent détruits sous les décombres. De toute façon, pas le temps et pas de place pour les prendre. Tant pis,  on verra plus tard…

En quelques semaines, en voiture, en train, en bus, des dizaines de familles ukrainiennes se sont réfugiées à Varsovie, en Pologne, avec leur enfant à roulettes. Le centre Olinek de rééducation intensive croule sous les demandes et essaie de leur venir en aide comme il peut, leur offre des séances de thérapie, prête des poussettes. C'est mieux que rien. Ils n'ont rien d'autre…  

Des familles françaises se mobilisent

Alors quand nous avons contacté le centre au nom du Collectif handi actif France, pour venir en convoi humanitaire livrer du matériel adapté récolté auprès des familles françaises, vous imaginez leur accueil ! Nous connaissons une dizaine de centres de rééducation en Pologne qui accueille nos enfants français en séjour ponctuel de rééducation intensive. Nous leur devions bien cela. Nos connexions ont permis au projet de se monter rapidement. Très vite, à Paris et en Isère auprès de l'association Agir ensemble contre l'IMC, à Mulhouse grâce au collectif des parents de l'IEM Les Acacias, des points de collecte sont organisés. Les parents généreux y déposent une trentaine de fauteuils roulants, des sièges douche Flamingo, des bicyclettes adaptées, des sièges coques, des motilos, des verticalisateurs, des déambulateurs, des sièges auto adaptés et des protections… En tout, plus d'une tonne d'appareillages dorénavant trop petits pour les enfants auxquels ils appartenaient, représentant près de 180 000 euros.

Organiser l'acheminement

Nous avons le matériel, nous savons où rejoindre les familles concernées, reste l'acheminement… Rien de plus simple, pense-t-on ; les journaux télévisés diffusent tous les jours des reportages sur des convois humanitaires d'entreprises philanthropiques ou d'associations subventionnées pour cela ! Eh bien, nous nous trompons. Apparemment, la philanthropie et l'humanitaire s'arrêtent là où le handicap commence… La Croix rouge ? Ce n'est qu'au bout de plusieurs messages qu'on nous rappelle. Mais l'association veut de l'argent, que de l'argent… Nos appareillages, elle ne veut pas en entendre parler. On a beau dire que cela coûte très cher et que, sur place, les familles ne pourront pas acheter le matériel, nos suppliques restent lettre morte. Et Handicap international ? Là, on va nous comprendre. Même discours, pas de matériel, de l'argent…

Un papa dans son trois tonnes

Que faire ? Comme d'habitude, on se débrouille… seuls. Comment avons-nous pu penser une seconde qu'on allait nous aider ? Nous le savons, nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes pour les rééducations et tout le reste…  Alors pourquoi cela serait-il différent pour les Ukrainiens, même sous les bombes ? Un papa d'un enfant extraordinaire, routier, affrète alors un trois tonnes et prend la route le 3 avril avec ce camion financé par l'association Agir ensemble contre l'IMC. En deux jours, nous voilà à Varsovie. Et, une heure après notre arrivée, le matériel collecté est déchargé puis entreposé dans une grande salle mise à notre disposition. Le soir même, Micha, le directeur du centre Olinek, publie sur Facebook la nouvelle. Dans la nuit, son post est partagé plus de 500 fois. Le lendemain, le matériel est distribué à plus de cinquante familles.

Une lueur de joie

Dans le calme et la dignité, des femmes avec leurs enfants attendent patiemment que l'on s'occupe d'elles. Avec l'aide bienveillante et bénévole des kinésithérapeutes du centre, chaque enfant essaye qui un fauteuil, qui un vélo ou un motilo, un verticalisateur, un siège coque, un siège auto ou encore un déambulateur… Une lueur de joie et d'espoir traverse le regard triste de ces mamans chaque fois qu'un enfant trouve le matériel adapté à sa taille et à son handicap.  Comme nous, les parents ukrainiens savent que sans rééducation, sans appareillage adapté, l'enfant risque des déformations osseuses, des régressions, des souffrances. Il suffisait de le vouloir pour tenter de leur éviter cela… En une journée, 70 % des outils ont été distribués. Deux fauteuils sont même partis en Ukraine pour aider une famille coincée là-bas avec des jumelles atteintes d'une maladie dégénérative, le spina bifida.

Devant ce succès, les familles ukrainiennes et polonaises nous ont demandé de revenir. Nous l'envisageons sérieusement. Mais n'ayant pas d'argent, Agir ensemble contre l'IMC, association de parents qui organise des stages de thérapies novatrices en France et des voyages dans les centres en Pologne sans subvention publique, doit d'abord lever des fonds. Si vous souhaitez nous aider : https://www.helloasso.com/associations/agir-ensemble-contre-l-imc/formulaires/6