Tourisme adapté : « Nous attendons des règles identiques partout »

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A la suite de l’incendie du gîte de Wintzenheim, le 9 août dernier, l’Igas avait mené une première enquête administrative concluant à un « dysfonctionnement généralisé » du secteur. Une seconde est attendue pour début 2024. Qu’en pense l’un des principaux acteurs, président du conseil national des loisirs et du tourisme adapté ?

En attendant les conclusions de la deuxième enquête de l’Inspection générale des affaires sociales, prévues en février 2024, le président du CNLTA, René Moullec, livre sa crainte d’une inflation des normes administratives qui scléroserait encore davantage le secteur.

ASH : Qu’attendez-vous de la prochaine enquête de l’Igas ?

René Moullec : Si nous voulons sortir par le haut du drame de Wintzenheim, il ne faut pas avoir un regard univoque pour analyser les évolutions nécessaires de notre activité. Nous avons besoin d’une vision large qui englobe l’ensemble des parties prenantes : un point de vue politique avec les ministères, un regard administratif, mais aussi celui des organismes de vacances adaptées, des représentants des usagers regroupés au sein d’associations, des familles et des établissements spécialisés. C’est la condition sine qua non pour améliorer ce secteur. Nous souhaitons surtout une véritable reconnaissance d’un écosystème essentiel dans la vie des personnes handicapées. Aujourd’hui, si les organisateurs contiennent tant bien que mal les coûts pour que les prix restent accessibles, ils sont obligés de rogner sur l’augmentation salariale des accompagnateurs et sur les moyens mis en œuvre pour leur formation ou la préparation des séjours. Ce n’est pas normal.

Craignez-vous que la réponse des pouvoirs publics ne soit que sécuritaire et normative ?

R. M. : Nous nous méfions d’une réponse qui ne serait qu’administrative et qui n’entrainerait qu’une augmentation des règles, avec un cadrage beaucoup plus fort, mais qui n’améliorerait pas la sécurité. Pour le moment, le seul élément tangible qui est sorti de la première enquête de l’Igas est la fameuse circulaire interministérielle émise en octobre dernier et relative au respect des règles de sécurité incendie sur les lieux de séjours de vacances adaptées organisées. Chaque organisateur doit désormais se retourner vers les lieux d’accueil potentiels pour qu’ils demandent une autorisation d’ouverture en tant qu’établissements recevant du public (ERP). Ce n’est pas trop compliqué, sauf pour tous ceux qui ne sont pas ERP – les hébergeurs recevant moins de 15 personnes - et pour lesquels les règles sont relativement floues.

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Lorsque l’administration leur demande pourquoi ils ne sont pas ERP, ils ne savent pas quoi répondre et beaucoup d’entre eux disent : "Si c’est comme ça, ne venez pas chez moi." Il est à craindre qu’il y ait de moins en moins de lieux potentiels pour organiser des séjours. Ils préfèreront accueillir des familles ou d’autres types de groupes n’impliquant pas les mêmes contraintes. Nos adhérents nous le disent : dans la perspective de l’été prochain, un certain nombre d’hébergeurs refusent d’ores et déjà de se plier à ces nouvelles normes et ne s’engagent pas à signer de contrats.

Le drame de Wintzenheim est-il un épiphénomène ou le révélateur d’un manque de contrôle dans ce secteur ?

R. M. : Je suis personnellement dans l’organisation de vacances adaptées depuis 1981. Même si un tel drame n’aurait pas dû arriver, c’est la première fois qu’il y a un accident de cette importance. Ce n’est pas parce qu’il arrive un drame comme celui-là, que nous devons tout bouleverser. Mais travaillons tous ensemble sur ce sujet, nous sommes tout à fait ouverts ! Le CNLTA a été mis en place en 1991, justement pour poser un cadre partagé. Ce dernier doit néanmoins être éclairé et permettre aux principaux intéressés d’y trouver leur place. On ne peut pas passer notre temps à gérer des papiers administratifs, dont on ne voit pas l’utilité, ou à respecter tout un tas de règles qui ne font que gêner un temps de vacances en apportant aucune sécurité supplémentaire.

Que pensez-vous de l’idée de créer un fichier national partagé des lieux de vacances adaptés ?

R. M. : Je n’en vois personnellement pas l’intérêt. Tous les lieux peuvent potentiellement accueillir des séjours, ça dépend du public. Certaines personnes partent en vacances avec nous et pourtant elles vivent en appartements comme vous et moi. Pourquoi est-ce qu’on devrait estampiller ces endroits « vacances adaptées » ? Et pour ceux qui ont besoin de sites plus sécurisés, les organisateurs connaissent ces lieux, ils sont repérés. Nous attendons plutôt des règles identiques partout. En dépit de l’existence d’un texte règlementaire de référence national, chaque département peut actuellement faire sa propre règle. Un organisateur, qui prépare une trentaine de séjours répartis dans une trentaine de départements, aura trente dossiers à faire parce que chaque territoire a des exigences différentes. Il nous faut un texte uniformisé avec des déclarations simplifiées via un système national qu’on nous promet depuis 2005.