Rapport d'information sur les ESAT par la commission des finances du Sénat

La commission des finances du Sénat a publié le 15 avril un rapport d’information sur les établissements et services d’aide par le travail (ESAT)
Le sénateur Éric Bocquet (CRC - Nord), rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », a présenté à la commission des finances, réunie le 15 avril 2015, sous la présidence de Michèle André (Soc - Puy-de-Dôme), les conclusions de son contrôle portant sur les établissements et services d’aide par le travail (ESAT).

Les ESAT sont ainsi des établissements médico-sociaux qui permettent aux personnes en situation de handicap, à partir de l ’âge de vingt ans, d’exercer une activité à caractère professionnel et socialisante tout en bénéficiant d’un suivi médico-éducatif dans un milieu protégé.

 

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

Les principales observations

  • Les établissements et services d’aide par le travail (ESAT) accueillent une population qui vieillit et qui est de plus en plus concernée par un handicap psychique. Il en résulte la nécessité de faire évoluer l’accompagnement médico-social réalisé par les établissements, ainsi que de mieux prendre en compte la fatigabilité des personnes accueillies grâce au développement du temps partiel.
  • Les ESAT sont soumis à une concurrence accrue, en particulier s’agissant de leurs métiers traditionnels, qui nécessite le développement de nouvelles activités économiques à l’aide d’investissements productifs ainsi que le renforcement de la formation professionnelle des travailleurs.
  • La contrainte budgétaire qui pèse sur le financement des ESAT s’est traduite par le gel des créations de places en établissement, l’instauration de tarifs plafonds, ainsi qu’une augmentation des dotations permettent seulement d’accompagner l’évolution de la masse salariale. Ce mouvement fragilise l’équilibre budgétaire de certains établissements.
  • Le système de tarification actuel ne repose pas sur une évaluation approfondie du coût de la prise en charge des travailleurs en ESAT en fonction de leur handicap.
  • Les besoins en termes de demandes et d’attente de placement en ESAT sont mal appréhendés aux niveaux régional et national, du fait de l’absence de système d’information consolidé. Les échanges entre les établissements et leur tutelle sont parfois insuffisants, en particulier s’agissant de la détermination du montant des dotations et du dialogue de gestion.
  • Les ESAT sont de plus en plus encouragés par l’administration à développer des passerelles entre le milieu protégé et le milieu ordinaire de travail. En effet, le taux de sortie d’ESAT demeure faible. Cependant, les dispositifs d’accompagnement en emploi ordinaire ne sont pas suffisamment développés ni orientés sur une aide à long terme pour permettre de sécuriser les travailleurs et leurs employeurs.
  • La visibilité des ESAT et de leurs activités pâtit de l’éparpillement des initiatives associatives et des réseaux d’établissements existants.
  • Les acheteurs publics devraient davantage faire appel aux ESAT pour leurs besoins.

Les principales recommandations

  •   Recommandation n° 1 : afin d’accompagner le vieillissement des personnes en ESAT, encourager le développement du temps partiel par la prise en compte, dans le calcul du coût à la place et du financement des établissements, de la présence ou non de travailleurs à temps partiel.
  •   Recommandation n° 2 : renforcer la formation des moniteurs d’atelier afin d’améliorer la prise en charge des personnes souffrant d’un handicap psychique.
  •   Recommandation n° 3 : réformer le système d’information des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) pour permettre le recueil consolidé d’informations sur : les demandes d’orientation en ESAT adressées aux MDPH ; les décisions de premières orientations en ESAT ; le nombre de personnes en attente de placement en ESAT.
  •   Recommandation n° 4 : encourager la signature de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) entre l’État et les ESAT en vue de donner aux établissements de la visibilité quant à l’évolution de leurs dotations.
  •   Recommandation n° 5 : conduire une étude nationale des coûts réels qu’implique la prise en charge des différents handicaps en ESAT afin de mieux adapter la tarification des établissements.
  •   Recommandation n° 6 : porter le plan d’aide à l’investissement en ESAT à 10 millions d’euros par an afin d’investir non seulement dans la mise aux normes des ESAT mais également dans la modernisation de leurs outils de production.
  •   Recommandation n° 7 : maintenir la tutelle et le financement des ESAT par l’État afin de garantir une égalité de traitement sur l’ensemble du territoire.
  •   Recommandation n° 8 : remplacer l’indicateur de performance relatif à l’évolution des mises en emploi en milieu ordinaire des travailleurs handicapés en ESAT par un indicateur relatif à l’évolution du nombre de personnes handicapées en attente de placement en ESAT.
  •   Recommandation n° 9 : instaurer une évaluation périodique (par exemple tous les trois ans) du potentiel d’employabilité hors milieu institutionnel des personnes handicapées par les ESAT, afin de proposer ou non une réorientation.
  •   Recommandation n° 10 : favoriser les passerelles entre le milieu institutionnel et le milieu ordinaire, en intégrant davantage dans le projet individuel des personnes accueillies en ESAT des expériences en milieu ordinaire (stages, mises à disposition sur des missions précises, etc.)
  •   Recommandation n° 11 : accroître la durée de l’aide de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) permettant de financer un accompagnement en milieu ordinaire de travail des personnes issues d’un ESAT en la portant à 150 heures sur une période de trois ans.
  •   Recommandation n° 12 : afin de valoriser l’activité des ESAT auprès de partenairespotentiels, faire aboutir le projet de création d’une base de données unique recensant l’ensemble des établissements et de leur offre de biens et services.
  •   Recommandation n° 13 : dresser un bilan du recours par les collectivités publiques aux ESAT pour leurs besoins et de la passation de marchés réservés définis à l’article 15 du code des marchés publics.

Quelques chiffres

Chômage des travailleurs handicapés. Selon un rapport d’information de juillet 2012, le taux d’emploi global des personnes handicapées demeure nettement inférieur à celui de l’ensemble de la population active (35 % contre 65 %). Cela résulte d’un taux d’activité plus faible (44 % contre 71 %), mais surtout d’un taux de chômage qui est le double de celui de l’ensemble de la population active (21 % en 2011). Par ailleurs, les travailleurs handicapés sont marqués par une durée de chômage plus longue : l’ancienneté moyenne d’inscription au chômage pour les personnes handicapées était de 22,5 mois contre 15,9 mois pour l’ensemble des demandeurs d’emploi en 2013 (source Agefiph, Les chiffres de l'emploi et du chômage des personnes handicapées, tableau de bord n° 45, décembre 2013).

Vieillissement des usagers. Les ESAT sont confrontés au vieillissement des travailleurs accueillis. L’âge moyen, de 38,3 ans en 2010, était supérieur de presque un an à celui de 2006 (37,5 ans). Entre 2006 et 2010, la part des personnes de plus de 50 ans accueillies en ESAT est passée de 14,2 % à 17,9 %. Ce vieillissement, qui s’opère depuis plusieurs années, entraîne une fatigabilité accrue des travailleurs, ce qui implique pour les ESAT de procéder à des aménagements en termes de temps de travail, notamment par la facilitation des temps partiels et par le développement de solutions alternatives de prise en charge.

L’évolution des publics accueillis constitue un enjeu croissant pour les ESAT. Les déficiences intellectuelles constituent le principal type de handicap présent en établissement ; elles représentaient en 2010 environ 71 % de la population accueillie. Les autres handicaps (déficiences auditives, déficiences visuelles, déficiences motrices) sont minoritaires.

On dénombrait 1 349 ESAT en France en 2013, proposant 119 211 places. La tendance est plutôt à une légère baisse du nombre d’établissements sur les dernières années, de 4 % sur la période 2004-2013 (soit 57 ESAT en moins), principalement liée à la mise en oeuvre à partir de 2007 de contrats d’objectifs et de moyens recommandant aux structures de rationaliser les coûts et de réaliser des économies d’échelles en procédant à des regroupements d’établissements. Le nombre de places proposées en ESAT a connu une augmentation continue ces vingt dernières années, portée par la mise en oeuvre successive de plans de création de places. Le programme pluriannuel de création de places pour un accompagnement tout au long de la vie des personnes handicapées annoncé à l’occasion de la Conférence nationale du handicap du 10 juin 2008 prévoyait la création de 10 000 places supplémentaires en ESAT. 6 400 places nouvelles ont été effectivement créées et financées avant que le Gouvernement ne décide en 2013 de geler la création de place en ESAT pour des raisons budgétaires.

 

Evolution du nombre de places financées en ESAT
Année 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
Nombre d'ESAT 1351 1344 1342 1349 1352 1349 1349
Nombre de places 114 811 116 211 117 211 118 211 119 211 119 211 119 211
dont places nouvelles 2000 1400 1000 1000 1000 0 0
                                                      Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

 

Les Activités économiques des ESAT
Conditionnement, emballage, montage 44 %
Activités vertes et bois 28 %
Services 20 %
Entretien, second oeuvre   2 %
Autres activités   6 %
                                                      Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

 

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