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"La question du handicap n'est pas un sujet de niche" (Jacky Vagnoni)
"Nous devons respecter et soutenir les choix de chaque personne, et leur donner accès aux accompagnements nécessaires", Jack Vagnoni, président de Paralysie Cérébrale France
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Comment les associations accueillent-elles l’arrivée de la ministre déléguée au handicap Charlotte Parmentier-Lecocq, nommée sur le fil, après une vague d'indignation de tout le secteur face à un "oubli" de casting ? Réponse avec Jacky Vagnoni, président de Paralysie Cérébrale France.
Le handicap était l'un des grands absents, lors de l'annonce du gouvernement le 21 septembre dernier. Forte mobilisation des associations représentatives oblige, le Premier ministre s'est empressé de corriger le tir. Une nomination « tardive », qui aurait du être une « évidence », selon Jacky Vagnoni, président de Paralysie Cérébrale France.
Comment réagissez-vous à cette nomination et quelles sont vos attentes ?
Jacky Vagnoni : C’est regrettable d’avoir, une fois de plus, oublié certains secteurs dans la composition du gouvernement. Le handicap concerne un grand nombre de Français. Il est dommage qu’il ait fallu s’indigner pour voir un ministre dédié, alors que le Premier ministre - lors de sa propre nomination - avait évoqué le handicap et la santé mentale. Aujourd’hui, notre objectif est de faire avancer des sujets cruciaux pour les milliers de personnes en France qui vivent avec une paralysie cérébrale. Cela concerne 125 000 personnes, enfants, adolescents et adultes. Elles sont en attente de réponses sur les difficultés qu’elles rencontrent quotidiennement.
Quelles sont les actions concrètes que vous attendez de la nouvelle ministre et de sa politique en matière de handicap ?
Il y a des enjeux transversaux qui concernent tous les types de handicaps, comme l’accessibilité, et notamment l’accessibilité numérique, ou l’éducation. L’école doit pouvoir accueillir dans les meilleures conditions des enfants et adolescents porteurs de handicap complexes. Nous souhaitons que les soins soient prévus dans les temps scolaires. Une paralysie cérébrale, rappelons-le, nécessite des soins de rééducation, notamment la kinésithérapie, qui ne doivent pas être un temps supplémentaire en dehors de l’école. Beaucoup d'enfants ne bénéficient que de temps partiels voire, très partiels. Peut-on parler d’école, quand il s'agit seulement d'une demi-journée par semaine ? Nous sommes très loin des objectifs d'apprentissage scolaire. Arrêtons de parler uniquement en termes de chiffres et de quantités, et concentrons-nous sur la qualité des services, notamment en matière d’inclusion scolaire.
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Où en sommes-nous de l'accessibilité ?
Nous allons bientôt célébrer les 20 ans de la loi de 2005, qui promettait une France accessible, mais cet objectif est loin d’être atteint. Que ce soit pour les bâtiments neufs ou pour la vie quotidienne, les obstacles restent nombreux. Pour prendre un exemple concret, nous avons cherché un studio accessible pour une émission de télévision à Paris, et c'est presque impossible à trouver. C’est inadmissible.
La crise de vocation dans le secteur médico-social est aussi un thème que vous défendez.
Oui, le secteur n'est plus attractif. Aujourd’hui, nous estimons que 15 à 20 % des postes restent vacants selon les régions, ce qui impacte directement la qualité des services. Nous sommes sur des accompagnements qui se concentrent sur l’essentiel, mais on est bien loin de la participation sociale, de la formation des professionnels et de l’émancipation des personnes que nous accompagnons. Il faut une nouvelle convention qui rémunère mieux les professionnels et qui leur donne des perspectives d'évolution.
L’accès aux soins est un autre problème majeur ?
Nous faisons encore face à des discriminations dans l'accès aux soins, en particulier dans les déserts médicaux. Il est crucial que chaque personne vivant avec une paralysie cérébrale ait accès à des praticiens formés à son handicap. Nous discutons actuellement avec la Caisse nationale d’assurance maladie pour mettre en place un forfait soin complet pour les jeunes jusqu’à 20 ans, mais nous espérons que cela pourra être étendu aux adultes.
Le matériel est extrêmement cher. Le débat sur la gratuité des fauteuils est important, mais il faut préciser de quels types de fauteuils nous parlons. Un fauteuil standard n'est pas suffisant pour répondre aux besoins spécifiques des personnes avec une paralysie cérébrale. Ils doivent être adaptés à la morphologie de chaque personne, car ils ne sont pas juste des accessoires de confort, mais une véritable extension de leur corps. Il est crucial d’être ambitieux sur ce sujet pour garantir une inclusion pleine et entière des personnes dans la société.
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Le Premier ministre a parlé de lois « transpartisanes » sur le handicap. Qu’en pensez-vous ?
Je dois avouer que ce terme me laisse perplexe. Ce qui est clair, c’est que le handicap touche 12 millions de personnes en France, soit un Français sur cinq ou six. On ne peut pas parler d'un sujet de niche. Il est essentiel de ne pas opposer les solutions : établissement contre domicile, par exemple. Chaque personne doit pouvoir choisir son mode de vie. Il ne faut pas caricaturer l’établissement comme un enfermement et le domicile comme une liberté absolue. Sans accompagnement adapté à domicile, une personne peut se retrouver aussi enfermée que dans une institution. Nous devons offrir une palette de solutions.
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