Isolement à domicile : détecter et prévenir la fin de vie sociale

Le dernier hors-série des ASH est consacré à l'isolement à domicile des personnes vulnérables.

Crédit photo Pavo

Dans la collection « Domicile », le petit dernier des ASH vient de paraître.  

Lien social fragilisé puis rompu

Grands-parents, enfants, petits-enfants : trois générations vivant ensemble sous le même toit. Cette image familiale a pour ainsi dire totalement disparu du paysage français. Place à l’individualisme et au chacun « chez soi », chacun sa vie, dans son havre de paix.

A quel moment cette solitude, parfois ardemment souhaitée, se transforme-t-elle en une souffrance ? Tout commence quand la vulnérabilité s’invite à domicile : le lien se fragilise alors. Grand âge, veuvage, maladies chroniques, handicaps sont autant de facteurs qui favorisent l’isolement. L’association Petits Frères des pauvres parle d’une « triple peine » quand la solitude tutoie la pauvreté et la perte d’autonomie. Tous les voyants sont dès lors réunis, que ce soit dans un département rural ou en plein cœur d’une grande métropole : aucun territoire n’est épargné. Au cours des deux dernières années, la crise de la Covid a fortement participé à isoler les plus fragiles. Près de 530 000 personnes ont été traversées par cette « mort sociale » qui se traduit par une absence de contacts avec des conséquences parfois fatales : dépression, suicide, syndrome de glissement…

Et dans ces situations de quasi assignation à résidence, où l’environnement extérieur est pour ainsi dire inexistant, règne une zone de non-droit avec des difficultés pour accéder à des services accompagnées d’une perte de chances, d’une accélération de la dépendance.

Un peu de chaleur

Parfois, la venue de l’aide à domicile est le seul contact avec ce « dehors ». La seule conversation échangée. Une charge bien lourde pour les épaules frêles de ces professionnels souvent mal préparés à « gérer » ou même à « accompagner » le manque d’interactions sociales. Et pourtant, « repérer et prévenir le risque d’isolement » fait partie du référentiel des accompagnants éducatifs et sociaux. Mais pour quels objectifs ? Avec quels moyens ? Et surtout avec quels outils ? Les réponses restent à construire. Seuls sur le terrain, les auxiliaires de vie enchaînent les rencontres mais se sentent, eux aussi, désespérément isolés. C’est tout le paradoxe du métier. Et quand deux solitudes se rencontrent, l’échange n’est pas forcément au rendez-vous, faute d’envie ou de disponibilité.

Dans ce désert relationnel, comment trouver un peu de chaleur ? Les bénévoles peuvent être un soutien indéfectible. Même si les experts constatent un désengagement des plus âgés sur le terrain, avec le réflexe d’un autoconfinement, d’une protection face aux virus qui peuvent tuer. Les équipes citoyennes sont une (autre) réponse, mais encore faut-il que leur déploiement soit synonyme de proximité.

Le secteur du domicile n’est pas en reste. Citons le service Voisinage du côté d’Alençon, une expérimentation conduite par la Croix-Rouge avec la volonté de ne plus se cantonner aux soins mais de soutenir les liens sociaux, ou encore cette soignante qui est désormais engagée dans le Care. Tous ont la (même) volonté de repousser la perte d’autonomie, d’apporter un peu de chaleur.
Conscient de la gravité de la situation, le gouvernement a proposé l’instauration de deux heures hebdomadaires de convivialité pour les bénéficiaires de l’APA. A compter de 2024. Urgence relative. Et pour tous les autres ? Les jeunes ? Les personnes handicapées ? Les moins de 60 ans ?

A l’heure où l’isolement peut tuer, les insuffisances des politiques publiques sont pointées du doigt. Si certains centres communaux d’action sociale misent sur la prévention, l’enjeu est plus que jamais de sortir d’une vision médico-sociale pour inscrire ces publics dits « fragiles » dans la citoyenneté et la prise en compte de l’expertise d’usage.

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Auteur

ALEXANDRA MARQUET