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Handicap : se former aux métiers de la cuisine
Depuis 2020, l’association Afuté forme des jeunes de 14 à 18 ans en situation de handicap aux métiers de la gastronomie et de la restauration collective.
« On souhaite transformer l’exclusion du handicap en excellence collective », clame Olivier Tran. En avril 2020, face au manque de solutions scolaires proposées à son fils Alexandre, atteint d’une forme sévère d’autisme, il décide de fonder l’Afuté (Association pour la formation universelle aux tâches élémentaires). Alexandre ne sait ni lire, ni écrire, ni parler et est sans solution de prise en charge depuis la fin du primaire. Difficile d’apprendre dans ces conditions. Pour le père de famille, le constat est simple : « Si la méthode n’existe pas, alors il faut l’inventer. » C’est ainsi que naissent les fiches de formation universelle aux tâches élémentaires (Futé) : couper, éplucher, égoutter, effilocher… Etape par étape, des dessins décomposent et déclinent les tâches à réaliser aux apprenants afin qu’ils intègrent la méthodologie du métier de commis de cuisine. « Le découpage visuel nous est apparu le système le plus universel pour la compréhension », indique Olivier Tran.
En France, le taux de chômage des personnes en situation de handicap atteint 14 %, contre 8 % pour le reste de la population. Pour les autistes adultes diagnostiqués (près de 450 000 personnes), il atteint 95 %, selon Jean-François Dufresne, président de l’association Vivre et travailler autrement, qui œuvre pour l’intégration des autistes en entreprise. Face à ces difficultés d’insertion, former ne suffit pas. L’objectif c’est l’emploi. Afuté « n’est que la première brique de l’équation ». Très rapidement, un deuxième maillon prolonge la chaîne de formation. En juin 2020, il fonde l’entreprise adaptée Biscornu, un traiteur de l’économie sociale et solidaire. Au programme : formation au service cocktail et fabrication de buffets inspirés par des recettes de chefs étoilés. « Tous les produits utilisés pour les recettes sont des fruits et légumes déclassés car hors calibres, qui sont jetés ou mis de côté pour leur différence. Un peu comme nos enfants, en fait », sourit Olivier Tran. Depuis sa création, 50 jeunes en situation de handicap ont été formés à la prestation de service cocktail-événementiel.
Des entreprises ouvrent leurs cuisines
Pour développer le projet hors les murs de Biscornu, Afuté développe des partenariats avec des entreprises accueillant des jeunes porteurs de handicap au sein de leurs locaux. « Elles nous donnent accès aux cuisines de leur restaurant d’entreprise durant un après-midi par semaine », explique Olivier Tran. les employés des prestataires de la restauration collective qui interviennent dans ces entreprises (Sodexo, Ellior) restent sur place pour encadrer les jeunes. Ces professionnels sont eux-mêmes sensibilisés aux méthodes « Futé » et accompagnés par le formateur référent de l’association (chef de cuisine avec une expérience en Esat). Afin de faciliter la rencontre avec les jeunes et de « s’adapter à leurs codes de compréhension », les travailleurs sociaux des organismes où ils sont pris en charge sont présents pendant les séances.
Pour s’inscrire, les jeunes doivent avoir un dossier à la maison départementale des personnes handicapées et se trouver sans solution de formation. Chaque séance au sein d’une entreprise accueille quatre jeunes simultanément. Une trentaine apprennent actuellement le métier de commis de cuisine. Pour l’heure, le dispositif ne possède pas de financement public. Une contribution de 20e par demi-journée de formation, soit 720e pour 36 séances à l’année, est à la charge des familles. Les plus modestes peuvent bénéficier d’un financement par parrainage.
Afuté propose désormais une carte interactive qui recense les entreprises disposant de places de formation. Les jeunes et les organismes sociaux partenaires tels que les Apprentis d’Auteuil, Autisme France ou l’Unapei peuvent ainsi s’y référer pour s’inscrire. L’association ambitionne de nouer de nouveaux partenariats pour élargir son éventail à des secteurs comme la maroquinerie ou la boulangerie.
Auteur
- RÉMI BARBET