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Handicap : photographie de la population déficiente visuelle
Les résultats de l’étude Homère – la première à fournir autant de données inédites sur la population française aveugle ou mal voyante – dresse un état des lieux de l’accès à la scolarité, aux études supérieures, aux outils numériques ou encore à la citoyenneté. Parmi les 1 865 répondants, 63 % des 5-15 ans ne disposent pas de cours adaptés.
Crédit photo De vectorfusionart / shutterstock
La déficience visuelle a beau concerner près de 1,7 million de Français, leur quotidien et conditions de vie – accès au droit, scolarité, travail, outils numériques – restent peu documentés. L’étude Homère, lancée il y a deux ans par une équipe de quatre chercheurs des universités Lyon 2 et Paris 8 auprès de 1 865 personnes aveugles ou mal voyantes, livre des données inédites concernant cette population invisibilisée.
Initiée par un collectif d’associations et l’Institut national des jeunes aveugles, l’étude s’inscrit dans une démarche participative impliquant les personnes déficientes visuelles elles-mêmes, mais également leurs proches et les professionnels qui les accompagnent. Parmi les répondants, 46 % sont atteints de cécité, 24 % sont malvoyants sévères et 30 % malvoyants moyens. Survenue à la naissance pour 33 % de l’échantillon, la déficience visuelle a été progressive pour 69 % des personnes interrogées et soudaine pour 31 % d’entre elles. Si 34 % de ce panel correspondent à une tranche d’âge comprise entre 40 et 59 ans, ils sont 56 % à avoir 60 ans et plus. L’angle mort de cette enquête concerne néanmoins les personnes âgées vivant en Ehpad, les adultes résidant en foyer d’hébergement et les travailleurs salariés en Esat.
Seuls 28 % maîtrisent le braille
La question de l’autonomie – à la fois centrale et transversale tout au long de cette enquête – pose notamment celle de la maîtrise du braille. Si 79 % des personnes aveugles de naissance sont braillistes, ce chiffre descend à zéro lorsque le handicap survient après 60 ans. Au sein du groupe de répondants, seuls 28 % maîtrisent ce système d’écriture. Parmi les non-braillistes, 15 % déclarent qu’ils auraient eu besoin de cet apprentissage, mais qu’ils n’en ont pas eu l’occasion.
Le rapport au numérique est également un paramètre majeur pour estimer l’accès ou non à une vie sociale pleine et entière. Alors que 65 % des répondants déclarent utiliser Internet tous les jours, essentiellement pour écrire des courriels, effectuer des démarches en ligne de façon autonome reste difficile pour une majorité écrasante des personnes interrogées. L’utilisation d’Internet semble d’autant plus difficile que les répondants à l’enquête sont âgés, ainsi que malvoyants sévères plutôt qu’aveugles.
Difficultés pour se rendre aux urnes
Concernant la citoyenneté, l’enquête Homère révèle que deux tiers des répondants majeurs ont besoin d’être accompagnés pour aller voter. Près d’un cinquième de ces électeurs déficients visuels ont déjà renoncé à se rendre aux urnes en raison de leur handicap.
Du côté de l’école ou du monde de l’emploi, les chiffres ne sont pas plus positifs. La grande majorité des enseignants n’étant pas formée à la déficience visuelle, 63 % des personnes interrogées – âgées de 5 à 15 ans – estiment ne pas avoir accès à des supports de cours adaptés à leur handicap. Un problème que l’on retrouve par ailleurs au niveau des études supérieures. Au travail, la moitié seulement des répondants ayant demandé un aménagement de poste considère que ce dernier correspond réellement à leurs besoins.
Le point le plus épineux reste le manque de prise en charge des plus de 60 ans. L’enquête montre que 50 % des répondants de cette tranche d’âge sont livrés à eux-mêmes.
Auteur : LAURENCE UBRICH