Handicap : lettre ouverte à Gabriel Attal

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[TRIBUNE] Arnaud de Broca, le président Collectif Handicaps, qui regroupe 52 associations nationales représentatives des personnes en situation de handicap, de leur famille et des proches aidants, adresse un courrier ce 19 janvier 2024 au nouveau Premier ministre, à quelques jours de sa déclaration de politique générale.  

Monsieur le Premier ministre,

Dans quelques jours, vous prononcerez votre première déclaration de politique générale devant le Parlement et fixerez ainsi les grandes orientations de votre gouvernement.

Le Collectif Handicaps porte l’espoir que la situation des 12 millions de personnes en situation de handicap et 9 millions d’aidants vivant en France n’y sera pas passée sous silence, d’autant plus que le sujet n’a pas été abordé lors de la conférence de presse du Chef de l’Etat et que votre gouvernement ne compte à ce stade aucun ministre délégué ou secrétaire d’Etat en charge des personnes handicapées.

Depuis la Conférence nationale du handicap (CNH) d’avril 2023, le satisfecit apparent des pouvoirs publics tranche avec les inquiétudes des personnes en situation de handicap, de leurs familles et des aidants.

Le pays ne s’est toujours pas doté d’une politique ambitieuse et volontariste en faveur de l’autonomie de vie des personnes, quels que soient leur âge, leur état de santé ou leur situation de handicap. Les annonces répétées sur les « 50 000 nouvelles solutions » sont bien insuffisantes pour répondre aux difficultés rencontrées quotidiennement par les personnes handicapées du fait de la pénurie de professionnels du soin et de l’accompagnement (à domicile comme en établissement) et de l’ineffectivité du droit à compensation du handicap (barrière d’âge, non-prise en compte de besoins essentiels, restes à charge entraînant des renoncements aux droits, etc.). Les familles continuent de pallier les carences de l’Etat en endossant le rôle d’aidant, au détriment souvent de leur vie professionnelle et de leur santé – et ce sans être dûment relayées et sans que le rôle d’aidant soit pleinement reconnu.

Votre discours du 30 janvier prochain pourrait être l’occasion d’annoncer une réelle loi de programmation pluriannuelle en faveur du soutien à l’autonomie (et non pas seulement sur le grand âge) définie à partir des besoins de toutes les personnes concernées (enfants et adultes handicapés, personnes âgées et aidants).

Autre sujet sur lequel nous attendons des mesures fortes : la lutte contre la précarité des personnes en situation de handicap. La déconjugalisation de l’AAH (dont nous nous réjouissons évidemment) n’épuise pas à elle seule le chantier de réformes nécessaires à l’indépendance financière des personnes handicapées. Il est urgent de revaloriser l’AAH au-dessus du seuil de pauvreté. Reste également en attente la réforme du cumul entre AAH et revenus d’activité, annoncée à chaque CNH mais jamais suivie d’effet.

S’agissant du droit à l’éducation pour tous, les discours portés par certains syndicats de l’Education témoignent d’un réel malaise et nous font craindre un énorme retour en arrière, alors que nous attendons beaucoup d’un acte II de l’école inclusive. Suite à la CNH, nous avons appuyé la volonté de responsabiliser l’Education nationale sur ce sujet, mais refusons que cela se fasse au détriment des enfants et sans prise en compte de l’expérience des autres parties prenantes (familles, associations, professionnels du médico-social, professionnels libéraux, etc.) : l’Education nationale ne doit pas devenir juge et partie concernant la scolarisation des enfants en situation de handicap.

Crise du logement, lutte contre les déserts médicaux, accès aux transports, accès à la vie culturelle, vie intime affective et sexuelle, soutien à la parentalité, lutte contre les violences, accès aux informations et démarches dématérialisées, accompagnement de la fin de vie,… Nous ne pouvons pas évoquer dans ce courrier tous les sujets qui méritent d’être réfléchis à l’aune des spécificités et besoins des personnes handicapées. Mais, d’autant plus après les condamnations répétées de l’ONU et du Conseil de l’Europe, il y a urgence à agir.

L’un des prérequis à la pleine citoyenneté des personnes handicapées est l’effectivité de l’accessibilité universelle – droit officialisé par les lois de 1975 et 2005 –, qui reste encore largement mis à mal. Certes, des mesures ont été annoncées à la CNH 2023, mais nous sommes encore loin du compte… Concernant l’accessibilité des logements, nous vous demandons d’annoncer la publication du rapport d’e l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) sur l’abaissement des seuils d’accessibilité (évaluation de l’article 64 de la loi ELAN).

Il nous semble essentiel que vous puissiez engager votre gouvernement à intégrer dans chaque projet de loi et chaque texte réglementaire des dispositions relatives aux personnes handicapées.

Sur tous ces sujets, le Collectif Handicaps se tient prêt à travailler avec le gouvernement et à mener des chantiers ambitieux pour garantir – enfin – le respect des droits fondamentaux de nos concitoyens en situation de handicap et de leurs proches.

Dans l’attente d’un échange de vive voix, je vous prie d’agréer, Monsieur le Premier ministre, l’expression de ma haute considération.