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Handicap : le Sénat propose une cotisation de 0,1% pour sauver le fonds d’insertion
La mission d’information du Sénat sur le handicap dans la fonction publique appelle le gouvernement à expérimenter, dès la prochaine loi de finances, une réforme globale du modèle de financement du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP). Ses 27 autres propositions ont vocation à être intégrées au projet de loi de transformation de la fonction publique.
Le 22 mai, la commission des lois du Sénat a adopté les 28 propositions formulées après 18 mois de travaux par les rapporteurs de la mission d’information sur le handicap dans la fonction publique, Catherine Di Folco (LR, Rhône) et Didier Marie (socialiste, Seine-Maritime). La proposition phare est de financer le FIPHFP par une cotisation universelle de 0,1 % de la masse salariale de chaque employeur public, assortie d’un système de bonus/malus valorisant les efforts des plus « vertueux ».
La rançon du succès
Actuellement, en effet, le fonds est financé par les contributions (sanctions qui ne portent pas leur nom) versées par les administrations, hôpitaux et collectivités de plus de 20 agents qui ne respectent pas le quota de 6 % d’agents en situation de handicap, ce qui lui permet, en retour, de financer des mesures d’insertion mises en œuvre par tous les employeurs.
Or, entre 2006 et 2018, le taux d’emploi légal des personnes handicapées est passé de 3,74 % à 5,61 %, même si seule la fonction publique territoriale respecte ses obligations avec 6,76 % contre 5,67 % pour la fonction publique hospitalière et 4,65 % pour la fonction publique de l’État. Rançon du succès, les rentrées diminuent donc au fil des ans, tandis que les dépenses continuent avec des aides qui concernent les 30 000 recrutés chaque année mais accompagnent aussi les agents en poste sur la durée.
« Violent » effet de ciseaux
Le fonds « subit un violent effet de ciseaux » notent les deux rapporteurs, qui, au passage, soulignent « d’importantes charges de gestion, notamment vis-à-vis de la Caisse des dépôts et consignations » (son gestionnaire, ndlr) : 9,89 % du budget en 2018.
Le FIPHFP est en train de finir d’épuiser les confortables réserves de ses débuts, et, en conséquence a drastiquement réduit de 30% ses dépenses d’intervention entre 2014 et 2018. La baisse est même de 40 % pour le financement des aides passant par les conventions tri-annuelles. Un exemple : le financement du fonds au centre de gestion du Rhône et de la métropole de Lyon est passé de 1 075 307 euros dans la convention 2016-2018 à 536 000 pour 2019-2021.
Il est vrai que le fonds n’a aucune visibilité même à court terme, ne serait-ce que sur sa pérennité. « Nous proposons de stabiliser ses ressources à environ 150 millions d’euros, 20 de plus que l’objectif du gouvernement, indique Didier Marie. Une cotisation de 0,1 % de la masse salariale apporterait des recettes proches de cette cible : 146,5 millions ».
De son côté, en tant que ministre du Gouvernement Villepin, Philippe Bas a porté le fonds sur les fonts baptismaux en 2006, et il insiste : « nous ne pouvons accepter une telle réduction des aides aux travailleurs handicapés qui remet en cause l’esprit de la loi handicap du 11 février 2005, votée à l’unanimité, je le rappelle ». La commission des lois qu’il préside demande au premier ministre de lancer dès la prochaine loi de finances, une expérimentation de la cotisation dans des départements pilote. « L’ensemble du rapport lui est transmis, il y découvrira entre autres que ses services sont lanterne rouge avec un taux « édifiant » de 3,38 % » tacle-t-il au passage…
Se réinventer
Mais « le FIPHFP doit aussi se réinventer » note Catherine Di Folco. Le fonds qui s’est longtemps concentré sur le recouvrement des contributions et la délivrance des aides financières « doit se reconvertir en une administration de conseil et d’accompagnement, capable de répondre aux questions pratiques des employeurs ». Il doit « renforcer son expertise handicap et sa présence territoriale ». Pour le décharger, la mission propose de confier le recouvrement des contributions à l‘Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) à partir de 2022. Les conventions pourraient également être modernisées, passées à 4 ans, avec une meilleure visibilité des objectifs retenus et des résultats obtenus.
Les autres propositions destinées plus largement « à donner un nouveau souffle à la politique du handicap dans la fonction publique » ont vocation à être intégrées au projet de loi de transformation de la fonction publique dont l’examen en commission des lois du Sénat est prévu le 12 juin. A commencer par l’inscription du droit applicable au handicap dans le statut général de la fonction publique ou dans le futur code général de la fonction publique. Certaines ne manqueront pas de faire débat : par exemple, fixer un objectif pluriannuel à la fonction publique de l’État pour atteindre les 6 % d’ici deux ans, ou bien limiter à cinq ans la prise en compte des maintiens dans l’emploi pour le calcul du taux d’agents handicapés.