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Grève du 1er octobre : "Pour des conditions de travail dignes" (Mireille Stivala, CGT Santé action sociale)
"En matière de prise en charge des usagers, la situation est catastrophique dans le monde de la santé, du social et du médico-social", assure Mireille Stivala, secrétaire générale de la CGT Santé Action sociale.
Crédit photo Dimitar Dilkoff / AFP
Rémunérations, emplois, retraites… Les mobilisations interprofessionnelles organisées ce mardi 1er octobre ont rassemblé des milliers de manifestants dans tout le pays. De nombreux acteurs des secteurs social et médico-social ont pris part aux cortèges. Eclairage avec Mireille Stivala, secrétaire générale de la CGT Santé Action sociale.
A quelques jours de l’ouverture des débats autour du Projet de loi de finances (PLF), du Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 et en marge du discours de politique générale du Premier ministre Michel Barnier, un mouvement de grève s’est organisé le 1er octobre. Il fait suite, entre autres, à l’appel de l’intersyndical CGT, FSU et Solidaires fonction publique. Secrétaire générale de la CGT Santé Action sociale, Mireille Stivala liste les multiples enjeux de la mobilisation pour le secteur.
ASH : Pour quelles raisons les secteurs sociaux et médico-sociaux se mobilisent-ils ?
Mireille Stivala : En matière de prise en charge des usagers, la situation est catastrophique dans le monde de la santé, du social et du médico-social. Il manque énormément de professionnels. Plusieurs luttes ont débuté cet été dans les établissements concernés avec les questions de l’emploi au cœur des débats. La mobilisation d’aujourd’hui permet donc de faire un focus sur les services publics et le service public hospitalier. Il s’agit de dénoncer les conditions de travail très difficiles des agents et des salariés.
Que souhaitent obtenir les salariés ?
Prévue dans les prochains jours, l’ouverture des débats autour du Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) est l’occasion de d’engager des moyens financiers adaptés. Par exemple, l’Ondam (Objectif national de dépense d’assurance maladie) doit être à minima réhaussé de 6 %. La plupart des établissements étant en déficit chronique, nous demandons à l’Etat de prendre ses responsabilités afin que les résidents puissent être accueillis dignement, mais aussi que les conditions de travail des salariés s’améliorent. Cela passe par des recrutements massifs et de la formation.
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Avec les scandales comme l’affaire Orpéa ou plus récemment celle qui concerne le secteur de la petite enfance, la mauvaise utilisation de l’argent public par le secteur lucratif nous préoccupe. Des structures dirigées par de gros financeurs continuent d’exercer les pratiques dénoncées. L’idée étant d’enrichir les actionnaires au détriment d’une bonne prise en charge des patients et sur le dos des personnes accompagnées. Le tout, avec de l’argent public.
Il faut absolument que l’Etat fasse en sorte que le service à la personne, la prise en charge des personnes âgées ou des personnes vulnérables revienne exclusivement à des structures publiques ou associatives non lucratives. Cela éviterait les dérapages qu’on a connu. D’autant plus qu’Orpéa a, par exemple, été sauvé avec de l’argent public puisque, par le biais de la Caisse des dépôts, l’Etat en est en grande partie actionnaire.
Quelles autres réponses seraient pertinentes pour améliorer le secteur du grand âge ?
Le gouvernement n’a pas anticipé correctement cette question. Force est de constater que la population vieillit et que, derrière, il n’y a pas eu d’anticipation du nombre de professionnels qu’il faut mettre en face pour les aider. Actuellement, de nombreuses structures ferment, faute de personnels, c’est un réel problème.
Pourtant, cela fait plusieurs années que nous demandons au gouvernement d’acter une gestion prévisionnelle des métiers en anticipant les moyens. A commencer par des budgets de formation qui permettraient aux jeunes qui s’intéressent à ces métiers d’être formés. Aujourd’hui, c’est un cercle vicieux. Les conditions de travail sont tellement difficiles que les structures peinent à recruter. En effet, les potentiels candidats ont déjà conscience de la situation et ne veulent pas occuper un métier complexe avec la responsabilité de personnes fragiles, peu rémunéré et dont ils ont le sentiment que la situation professionnelle ne s’améliorera pas.
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Le versement ou non de la "prime Ségur" génère de nombreuses inégalités entre salariés. Cela ajoute-t-il des tensions ?
Certains professionnels ne la perçoivent toujours pas, ce qui est injuste et discriminant. Nous continuons à nous battre sur ce sujet-là. Juste avant l’été, avec d’autres organisations, nous avons signé dans la Bass un accord pour élargir davantage cette disposition. Pour l’heure, l’Etat doit aussi financer ces mesures car certains directeurs d’établissements nous font part du fait qu’ils ne voient pas venir les fonds nécessaires pour concrétiser cette augmentation.
Notre organisation va rencontrer tous les parlementaires, exceptés ceux du Rassemblement national, pour lister nos revendications et la nécessité de les voir introduire aux débats autour du PLFSS. Le but ? Permettre aux personnels de travailler dans des conditions dignes. Sans cela, la maltraitance institutionnelle perdurera.
Qu’en est-il du volet des salaires ?
Contrairement au passé, les professionnels osent se saisir de ces questions. De plus en plus d’initiatives sont prises par le personnel pour dénoncer les conditions salariales alors que durant longtemps, ils n’osaient pas, préférant se battre d’abord pour l’amélioration des conditions de travail.
En termes d’explications, au sein de nos secteurs, les métiers sont fortement féminisés, ce qui a des conséquences sur la rémunération. Il y a donc d’emblée des inégalités pour des professionnels qui ne sont pas rémunérés comme ils le devraient. Il s’agit donc en premier lieu de revendiquer l’égalité salariale pour ensuite, faire comprendre à nos dirigeants, la nécessité de rehausser des salaires qui comme c’est le cas pour l’ensemble de la population, subissent l’inflation. Au regard du profils des employés, c’est-à-dire souvent des femmes seules et isolées, ces bas salaires ont des conséquences délétères sur l’ensemble des pans de leur vie.
Pour nous, l’enjeu se situe donc dans la création d’un mouvement national pour essayer d’influer sur le cours des choses et notamment sur la politique globale. Il faut que cette mobilisation atteigne les élus parlementaires. Beaucoup d’établissements du secteur entendent reconduire ce mouvement, le temps nécessaire pour être entendu.
>>> Lire le communiqué intersyndicale pour la mobilisation du 1er octobre