Fauteuils roulants : un remboursement total, mais à quel prix ?

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Près de 60 000 personnes ont un reste à charge dépassant 1 000 euros après remboursement de l’Assurance-maladie. Il atteint même 7 200 euros en moyenne pour 34 500 usagers de fauteuils électriques, d'après l’Irdes (Institut de recherche et documentation en économie de la santé.

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A l’occasion des vingt ans de la loi handicap de 2005, destinée à améliorer l’inclusion et garantir l’accessibilité, Emmanuel Macron s'est engagé le 7 février sur Tiktok à rembourser en intégralité des fauteuils roulants à compter du 1er décembre 2025.

Les fauteuils roulants intégralement remboursés, une belle avancée ? Peut-être. Mais qui sonne comme un effet d’annonce pour les organisations, qui dénoncent « un déni de réalité des pouvoirs publics qui conduit à une réforme inapplicable sur le terrain ».

Plus de reste à charge pour les utilisateurs, un guichet unique géré par l’Assurance Maladie, des délais raccourcis… Sur le papier, le combat semble en voie d’être gagné. Sauf que, dans les faits, le cadeau pourrait bien être un écran de fumée. Car si le remboursement est annoncé comme total, la PSAD (Fédération des prestataires à domicile), l’UPSADI ( Union des prestataires de santé à domicile indépendants) et l’UNPDM (Syndicat des prestataires des dispositifs médicaux), fustigent par le biais de leur communiqué commun du 7 février « une réforme qui, au regard des textes publiés, sans garantie financière, conduira inévitablement à des inégalités d’accès aux soins et à l’équipement pour l’ensemble des usagers, faute d’acteurs de santé de proximité en capacité de la mettre en œuvre ». Autrement dit : un fauteuil roulant, oui, mais pas forcément celui dont la personne aura besoin.

D'autant que le financement envisagé, à savoir 160 millions d’euros annuels supplémentaires, est loin de couvrir l’ensemble des fauteuils. « Une réforme sous-financée !» s'indignent d'ailleurs les professionnels du secteur. Surtout quand on sait, en effet, que la nomenclature des produits pris en charge n’a pas été mise à jour depuis plus de 20 ans. En d'autres termes, un remboursement intégral, mais pas au bon prix.

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Naufrage programmé pour les professionnels du secteur

Là où le gouvernement se félicite d’une mesure à l’apparence généreuse, les prestataires de santé à domicile, eux, tirent la sonnette d’alarme. Car si le remboursement est « total », c’est bien eux qui vont devoir absorber les coupes budgétaires et s’adapter à une réforme « arbitraire » qui ne semble pas avoir été pensée avec eux, déplorent les prestataires.

Le hic, c'est qu' « une réforme sous-financée entraînera des fermetures, et la suppression de centaines d’emplois locaux, privant ainsi une partie de la population de leurs services, en particulier dans les territoires ruraux. Des petites entreprises risqueraient la fermeture, privant les usagers de la proximité indispensable pour adapter, entretenir et réparer leur matériel », présagent les fédérations.

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Des oubliés et des perdants

Le chef d’État avait assuré lors de son allocution sur Tik Tok que serait fournie la liste des fauteuils pris en charge. Disponible sur le site internet legifrance.gouv.fr, elle exclut des fauteuils spécifiques qui pourront faire l’objet, selon Emmanuel Macron, d’une « une entente préalable sur l’avis d’un médecin » avec la Sécurité Sociale, le tout dans un délai de « deux mois » pour rendre compte de sa décision. 

Cependant, derrière cette réforme, une catégorie de personnes risque d’être sacrifiée : « les utilisateurs de fauteuils spécifiques, les personnes âgées dépendantes et celles ayant des besoins temporaires », selon les trois organisations, inquiètes. 

Reste donc une question cruciale : quels fauteuils seront réellement concernés par le remboursement intégral ? À ce jour, environ 80 % des modèles actuels devraient être éligibles. Mais pour les 20 % restants, difficile à dire. Le choix semble être laissé à la discrétion de la Sécurité sociale.

Une opération de communication bien huilée, mais déconnectée des réalités du terrain à en croire les organisations de prestataires de dispositifs médicaux qui se considèrent « traités par le ministère avec le plus grand mépris ». Et condamnent « les acteurs de la délivrance alors qu’ils présentent déjà des fragilités économiques majeures ».

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