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« Trop d’acteurs du handicap continuent à fonctionner en silo » (Christophe Roth)
"Si demain je devais m’orienter vers de nouvelles responsabilités, je pourrais peut-être prendre la charge de délégué interministériel au handicap ou de sous-préfet en charge du handicap et de l’inclusion." (Christophe Roth)
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Malgré une progression de l’emploi des personnes handicapées, leur taux de chômage demeure encore presque deux fois plus élevé que la moyenne. Pour Christophe Roth, ancien président de l’Agefiph, il y a urgence à faire cesser le fonctionnement « technocratique » des acteurs du handicap.
Christophe Roth est secrétaire national à l’accessibilité, l’égalité des chances et au logement au sein de la CFE-CGC. De 2021 à 2024, il a été président de l’Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (Agefiph) dont il vient de laisser les rênes à Christian Ploton le 18 septembre dernier. Il a également été vice-président du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (Fiphfp) entre 2019 et 2021.
Après trois ans à la présidence de l’Agefiph, vous poussez un « coup de gueule » contre la « technocratie » qui grippe encore l’inclusion professionnelle des personnes handicapées. Quels sont vos griefs ?
Christophe Roth : Il ne s’agit pas vraiment d’un coup de gueule. Plutôt d’un appel à réaction. Comme de nombreuses personnes, j’ai été choqué de voir qu’en dépit de ce grand évènement en faveur de l’inclusion qu’ont été les Jeux paralympiques de cet été, aucun portefeuille ministériel n’était dévolu spécifiquement au handicap dans la première mouture du gouvernement Barnier.
Le tir a été corrigé depuis avec la nomination de Charlotte Parmentier-Lecocq dont je connais l’implication sur le sujet des proches-aidants, mais quel mauvais signal de départ ! Car même si les choses s’améliorent pour les personnes en situation de handicap, il reste encore beaucoup à faire.
Sur l’emploi, notamment : nous sommes passés d’un taux de chômage des personnes handicapées de 19% avant la Covid à 12%. C’est une nette amélioration, mais c’est encore un peu moins du double du niveau de chômage des personnes dites valides (7,5%).
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400 000 actifs handicapés cherchent toujours un emploi alors qu’il existe des viviers de recrutement, notamment dans les métiers en tension. Dans le numérique, 80 000 offres d’emploi restent non pourvues. 100 000 dans l’hôtellerie-restauration et 300 000 dans les transports.
Or, aujourd’hui, grâce aux solutions technologiques, beaucoup de ces postes pourraient convenir à des demandeurs d’emploi en situation de handicap. Dans le transport, par exemple, les nouveaux modèles de camions handi-trucks permettent à des personnes à mobilité réduite de conduire un poids-lourd. L’évolution de la société va dans le bon sens, mais nous sommes encore loin de l’égalité des chances à laquelle nous aspirons.
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Le handicap demeure encore la première source de discrimination à l’emploi et d’ailleurs, Chaque année depuis 5 ans, 20% des dossiers traités par le Défenseur des droits concernent les discriminations fondées sur le handicap. Et ces freins à l’accès à l’emploi des personnes handicapées restent encore largement dus à cette technocratie qui ralentit leur insertion dans un parcours professionnel et contre laquelle il faut lutter.
Résultat, les demandeurs d’emploi handicapés sont contraints de multiplier les démarches. Il y a urgence à simplifier le système.
A quelles mesures de simplification songez-vous ?
Il faut réduire le fonctionnement en silo qui continue de caractériser trop d’acteurs du handicap: Etat, Régions, Départements, Agefiph, Fiphfp, France Travail, etc. C’est ce que demandent les acteurs de terrain.
Ne serait-il pas possible, par exemple, d’instaurer un système informatique commun aux MDPH, à l’Agefiph, au Fihpfp et à la CNSA afin de faciliter les démarches d’aides à la compensation pour l’aménagement des postes de travail et ainsi réduire certains délais d’attente ? En fonction des départements, les démarches effectuées auprès des MDPH peuvent prendre entre trois mois… et un an ! C’est beaucoup trop. Un demandeur d’emploi handicapé qu’on promène de guichet en guichet pendant un an a toutes les chances de perdre confiance en lui et de se démotiver.
De la même manière, on pourrait imaginer des articulations plus fluides entre les services de l’Etat, des Régions et des Départements, pour rendre plus accessibles aux personnes handicapées les opportunités de formation et d’emploi dans les territoires. On voit bien qu’avec le développement du télétravail, tout un pan de l’emploi se libère pour des personnes à mobilité réduite. Seulement, il faut que ces aubaines leur soient connues, ce qui exige une fluidification des communications entre les acteurs.
C’est presque une feuille de route que vous adressez à Christian Ploton qui vous a succédé à l’Agefiph !
Oui. Christian Ploton et moi nous connaissons bien. Nous avons travaillé ensemble à l’Agefiph ces 6 dernières années. Nous étions parfaitement alignés sur les objectifs à atteindre. D’ailleurs, il a approuvé, comme l’entièreté du conseil d’administration de l’Agefiph à l’époque, le plan stratégique 2023 – 2027 que j’avais fait voter.
J’aurais pu solliciter un deuxième mandat, mais je ne le souhaitais pas. J’ai donné une impulsion et je voulais que quelqu’un d’autre poursuive après moi. Il faut savoir passer le relai.
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La fluidification des relations entre acteurs de l’emploi, c’est précisément l’objectif de France Travail, qui réunit désormais les anciens services de Pôle Emploi, des missions locales et des agences Cap Emploi dédiées à l’emploi handicapé. Que pensez-vous de ce rapprochement ?
C’est une bonne chose car France Travail constitue un lieu où de nombreux acteurs – Etat, partenaires sociaux, Agefiph, Fihpfh, CNSA, etc. – peuvent se parler. J’espère que nous verrons bientôt les premiers résultats de ce regroupement.
D’ailleurs, les rapprochements avaient déjà commencé il y a 4 ans. Au moment même où Cheops, tête de réseau des agences Cap Emploi, avait commencé à travailler en commun avec Pôle Emploi pour offrir des lieux uniques d’accueil (LUA) aux demandeurs d’emploi handicapés. L'objectif était que, derrière un même guichet, on puisse à la fois trouver des spécialistes de l’emploi et des experts de l’aménagement des postes de travail.
On commence à voir l’efficacité de ce rapprochement. J’attends le prochain bilan annuel de l’emploi handicapé de la Dares au mois de novembre pour pouvoir la mesurer avec des données chiffrées.
Le gouvernement Attal avait choisi de regrouper les questions liées au Travail, à la Santé et aux Solidarités au sein d’un « super-ministère » confié à Catherine Vautrin. Michel Barnier a adopté une structure plus classique avec trois ministères distincts. Que pensez-vous de ce changement de périmètre ?
Même si l’Agefiph entretenait de très bonnes relations avec Catherine Vautrin, je pense que son ministère était surdimensionné. Mieux vaut un ministère des Solidarités en propre avec des attributions sur la perte d’autonomie, le handicap et le vieillissement, qu’un grand ministère où les compétences sont diluées. Ça a plus de sens.
On voit bien qu’il va y avoir de forts enjeux sur le périmètre du ministère du Travail qui va devoir restaurer la confiance perdue entre l’Etat et les partenaires sociaux après le douloureux épisode de la réforme des retraites. Il est donc plus logique qu’il y ait une ministre « à temps plein » sur ce domaine.
Toutefois, il ne faudrait pas que ces trois ministères ne prennent la mauvaise habitude de travailler en silo. Ces sujets ont besoin d’une dimension interministérielle. Certains signaux déjà donnés par le gouvernement vont dans cette direction.
Si je devais m’orienter demain vers de nouvelles responsabilités, je pourrais peut-être prendre la charge de délégué interministériel au handicap ou de sous-préfet en charge du handicap et de l’inclusion. Je ne suis pas un technocrate, je suis un homme de terrain et c’est à partir du terrain qu’il faut imaginer des solutions.
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