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Dessine-moi un Ehpad
Autonomie
Simon Bonnefoy, illustrateur et scénariste, réalise une bande dessinée sur la vie et le travail à l’Ehpad Le Bourg Joly (Maine-et-Loire).
Crédit photo JM DELAGE/Hans Lucas
[INSPIRATION] Durant plusieurs semaines, un auteur illustrateur s’est immergé dans la vie de l’Ehpad Le Bourg Joly, à Saint-Mathurin-sur-Loire (Maine-et-Loire), afin de réaliser une bande dessinée. L’initiative a vocation à lever le voile sur la vie des résidents mais aussi à valoriser le travail des professionnels.
Comment changer le regard porté sur les Ehpad ? Aide-médico-psychologique, Lucie Gautier s’est souvent posé la question, elle qui aime sincèrement son métier. « Certes, tout n’est pas rose mais on prend plaisir à venir travailler », explique-t-elle. C’est avec l’envie de faire partager au plus grand nombre ce qui se passe vraiment à l’intérieur d’une maison de retraite, qu’elle a eu l’idée de contacter un spécialiste de l’image, Simon Bonnefoy, illustrateur et scénariste depuis 2019. De cette rencontre est né le projet original d’une bande dessinée sur la vie et le travail à l’Ehpad Le Bourg Joly, dans le Maine-et-Loire. Cela a permis aux résidents et au personnel de sortir de leur bulle en livrant un peu ou beaucoup d’eux. Simon Bonnefoy s’est immergé dans leur quotidien, une à deux fois par semaine, de fin mars à début juin.
Un projet humain
« Lorsque Lucie m’a parlé de son idée, j’ai tout de suite répondu “banco !” même si je ne connaissais pas du tout ce milieu », raconte le quadragénaire. Lui qui n’était jamais allé dans un Ehpad, n’avait pas vraiment d’a priori. La dimension humaine du projet l’a enthousiasmé. « Sur 6 000 BD qui sortent chaque année, peu traitent de la vieillesse », reconnaît-il. L’initiative a reçu l’adhésion d’une bonne partie du personnel et de la direction de l’établissement. Les interventions du dessinateur ont été financées par l’agence régionale de santé, la direction régionale des affaires culturelles, une entreprise privée ainsi qu’une cagnotte participative. Après quelques réunions préparatoires, Simon Bonnefoy a suivi les professionnels dans leur travail, de jour comme de nuit. Ces derniers avaient à cœur de mettre en avant leurs valeurs et l’accompagnement qu’ils offrent aux 82 résidents. A Bourg Joly, le projet de l’établissement est centré sur le respect de la personne humaine, l’autonomie et la dignité. L’ensemble du personnel est d’ailleurs formé à l’Humanitude et à la méthode Montessori.
Les bons et mauvais côtés
Armé d’un appareil photo et d’un bloc-notes, l’illustrateur est aussi allé à la rencontre des résidents volontaires et de leurs familles. « Au début, j’ai essayé de dessiner sur place, mais c’était impossible car les gens préféraient me regarder crayonner que parler », explique celui qui confie avoir été surpris et décontenancé face à plusieurs situations. « Des personnes désorientées me prenaient par le bras en me disant qu’elles étaient perdues et me demandaient de les ramener chez elles. Il y a eu aussi cette dame qui est arrivée vers moi les mains pleines d’excréments », se remémore-t-il. Sans oublier ce résident insomniaque qui déambulait la nuit et s’amusait à se cacher pour faire peur au personnel.
Du côté des professionnels, le projet a créé beaucoup d’attentes et renforcé la cohésion. « On en rêve de cette BD. On aimerait que tout y apparaisse : les soins, le ménage, la restauration… Qu’on y voit les bons et les mauvais côtés de nos métiers », affirme Stéphanie Caye, coordinatrice de vie sociale. L’initiative a aussi intéressé les résidents même si, pour beaucoup d’entre eux, l’horizon de sortie de la BD semble lointain. « Un an ou un an et demi, cela peut paraître beaucoup, surtout quand on est en fin de vie. D’ailleurs, certains résidents que j’ai rencontrés sont décédés depuis », pointe Simon Bonnefoy. Il avait notamment prévu de faire d’une des résidentes, très appréciée de tous, l’un des personnages principaux de la BD. Elle a malheureusement été victime d’un malaise cardiaque. Un coup dur pour l’illustrateur : « J’ai été très ému par sa disparition. »
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Moments joyeux, difficiles, coups de gueule, le scénario imaginé par le dessinateur en collaboration avec l’équipe de l’Ehpad se doit d’être fidèle à la réalité, de faire rire, réfléchir et dédramatiser la vieillesse. Une fois les premières pages finalisées, Simon Bonnefoy enverra un dossier avec le scénario à des maisons d’édition en espérant que le projet les séduise. Lucie Gautier et Stéphanie Caye n’en doutent pas un seul instant. Elles sont déjà prêtes à prendre des congés pour descendre du côté d’Angoulême, recevoir le grand prix du célèbre festival de la bande dessinée.
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