Handicap : « Les bouts de mesures ne suffisent plus » (Unapei)

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En congrès à Tours du 12 au 14 juin, l’Unapei demande plus que jamais une véritable politique du handicap ambitieuse. Un appel qui risque de résonner dans le vide, au moins jusqu’au lendemain du deuxième tour des élections législatives… Marie-Aude Torres Maguedano, directrice exécutive, détaille aux ASH les attentes du réseau associatif.

La directrice exécutive de l’Unapei, Marie-Aude Torres Maguedano, souhaite entre autres la création d’un observatoire pour mieux appréhender les « situations complexes » des personnes en situation de handicap qui cumulent les vulnérabilités.

Qu’attendez-vous des pouvoirs publics, alors que le président de la République vient de dissoudre l’Assemblée nationale ?

Marie-Aude Torres Maguedano : Dans ce contexte particulier, dont la perspective de législatives prévues dans un temps très court, nous devons plus que jamais nous demander : quelle politique du handicap voulons-nous ? Où en est-on de l’effectivité des droits, des moyens que l’on donne à l’accompagnement au quotidien ? Les bouts de mesures ne suffisent plus. Le manque d’ambition, le manque de vision ayant pour conséquence un manque de moyens patent, tout cela provoque des situations de vie catastrophiques.

Quelles sont les mesures les plus urgentes ?

La première, qui demande du temps mais qui est prioritaire, est la création de l’observatoire des besoins. Tant que nous n’investirons pas sur ce point, nous continuerons de naviguer à vue. Si un tel outil n’est pas enfin mis en place, dans cinq ans la situation sera toujours la même. Il faut avoir les bonnes données, travailler à la fois au niveau quantitatif et qualitatif, parce qu’on ne veut pas une simple politique des chiffres.

Comment cet observatoire récolterait-il les données ?

Il s’agit d’avoir en même temps les bons outils, les bons diagnostics, ainsi que la bonne opérabilité des outils de l’administration et des acteurs de santé. Nous devons bâtir toute une chaîne qui commence par les besoins individuels, le terrain, pour s’élargir ensuite vers une réflexion plus prospective. Comment va-t-on transformer l’offre médico-sociale pour répondre aux attentes des personnes accompagnées et correspondre aux évolutions des handicaps et des familles ?

Quelles sont les priorités pour le secteur médico-social ?

Les professionnels ne sont pas valorisés, en nombre insuffisant et ils ne veulent plus venir vers ces métiers. En tant que mouvement parental, c’est un nœud pour nous. Dire que nous voulons plus de professionnels, c’est aussi exiger pour eux des conditions d’attractivité. Tout est lié. Comment revalorise-t-on symboliquement et matériellement tous ces métiers, pour les rendre plus attractifs ?

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Mais ces questions amènent naturellement à celle de la vision qu’on a des personnes handicapées et de leurs familles. Il faut entendre ce que c’est d’être parent d’enfants handicapés intellectuels en 2024. La qualité de l’accompagnement passera par la formation des professionnels, par une évolution des pratiques et par des moyens à la hauteur.

A quelles vulnérabilités font référence les « situations complexes » mises en avant lors de ce congrès ?

Il y a à la fois l’évolution des types de handicaps auxquels nous sommes confrontés - l’autisme qui représente une naissance sur cent, le polyhandicap, tous les troubles du neurodéveloppement - et en même temps des enfants en situation de handicap soutenus par l’ASE, des personnes handicapées vieillissantes… L’environnement est un facteur de création de la complexité et c’est le déficit de prises en charge adaptées qui rend les situations aussi complexes. C’est une loupe pointée sur l’ensemble de nos problématiques. Saupoudrer des mesures pour régler les situations les plus faciles ne suffit pas. C’est, au contraire, en partant des cas les plus difficiles, que nous créerons les bonnes normes et que nous trouverons les bonnes solutions. Si nous réussissons pour eux, nous réussirons pour tout le monde.

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