Vous êtes ici
Wintzenheim : « L'Etat ne peut pas demander aux associations de se substituer à lui »
Crédit photo DR
Les conclusions du rapport de l’IGAS sur l’incendie d’un gîte à Wintzenheim (Bas-Rhin), ayant fait onze victimes dont dix personnes en situation de handicap le 9 août dernier, ont été rendues publiques en début de semaine. Cette enquête flash révèle « une succession de défaillances dans la chaine d’action des opérateurs et des administrations ». Christophe Roy, directeur du service vacances adaptées chez APF France handicap, estime que seul l’Etat porte la responsabilité de ces contrôles… Et s’inquiète plus largement du sort des séjours adaptés.
ASH : Que vous inspire les conclusions du rapport de l’IGAS ?
Christophe Roy : Je suis très inquiet. Ce terrible accident a révélé des dysfonctionnements graves, ainsi que des défauts de contrôles, mais ces manques ne relèvent pas de la responsabilité des opérateurs de tourisme adapté comme APF France handicap. Ils relèvent de celle de l’Etat. Si quelqu’un de lambda part au Club Med, il ne se pose pas la question de savoir si cet hôtel est aux normes pour recevoir du public. En revanche, si j’organise un séjour adapté, je suis censé enquêter pour savoir si l’établissement est aux normes pour recevoir des personnes en situation de handicap… Ce n’est pas normal. L’Etat ne peut pas demander aux associations de se substituer à lui pour contrôler les établissements. Ce n’est pas notre métier et ça risque de remettre en cause l’existence même des séjours destinés à ces personnes. Alors que les associations se battent déjà au quotidien pour faire vivre le droit aux vacances pour tous. L’agrément VAO (vacances adaptées organisées), qui préside à tous nos séjours, est très exigeant en termes de choix des établissements, de contraintes médicales, de recrutement ou de formation des équipes d’accompagnateurs. Là aussi, l’Etat peut faire mieux en organisant plus de contrôles pendant les séjours. Mais il faut que chacun reste dans son rôle : l’Etat contrôle et les associations organisent des séjours adaptés.
L’une des recommandations prévoit le doublement des contrôles au niveau des directions départementales de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS). Est-ce une bonne idée ?
C. R : Nous organisons une centaine de séjours par an, dans des structures médico-sociales pour des séjours médicalisés, dans des structures de tourisme complètement adaptées et parfois dans des structures accueillant tous publics mais qui ont un certain nombre de chambres dédiées. Tous déclarés dans les DDETS, huit semaines avant le début du séjour, puis confirmés huit jours avant. A partir de cette déclaration, une inspection peut être déclenchée ou pas. C’est tout à fait classique. Si ces contrôles-là augmentent, on ne peut que s’en réjouir si cela participe à l’amélioration des séjours. Cependant, en amont, il faut aussi que les pouvoirs publics soient plus exigeants, qu’ils nous aident à organiser davantage de séjours. Mais l’Etat est défaillant car il ne garantit ni le droit aux vacances des personnes en situation de handicap, ni le droit au répit des proches aidants. Il y a une rupture de l’égalité républicaine.
De quels types d’infrastructures et de moyens avez-vous le plus besoin ?
C. R : Si on veut développer le tourisme en inclusion, c’est-à-dire permettre à des personnes en situation de handicap de passer des vacances dans les mêmes hôtels que tout le monde, il faut construire des chambres adaptées. Il y en a beaucoup trop peu. Il faut par ailleurs encourager le développement de structures complètement dédiées pour accueillir des personnes handicapées moteur par exemple. Après se pose également la question du transport et de de l’accessibilité. Nous avons énormément de retard. Dans un TGV, il n’y a de la place que pour deux personnes en fauteuil électrique. Lorsque vous faites un séjour avec huit vacanciers, ils sont obligés de partir à bord de quatre trains différents. Enfin, se pose la question de l’encadrement. Sachant qu’il faut un accompagnateur par vacancier, vous imaginez le coût du séjour ? Les personnes concernées vivent avec 900 euros d’allocation adulte handicapé par mois, comment font-ils pour payer 4 000 euros pour douze jours de vacances ? Heureusement que nous finançons une partie de ce coût sur notre propre budget… Mais toutes les mesures préconisées par le rapport de l’IGAS vont encore faire monter la facture pour les opérateurs. Ce qui risque de se répercuter sur les personnes en situation de handicap.