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Dépendance : interrogations sur les conditions du « virage domiciliaire »
La Drees a publié, vendredi 3 février, une étude sur les caractéristiques des personnes âgées de 60 ans ou plus selon leur lieu de vie, qui montre que les jeunes résidents d’Ehpad sont plus isolés socialement que ceux vivant à domicile. « Des résultats qui interrogent les politiques publiques », estime l’administration.
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« Qui vit à domicile, qui vit en établissement parmi les personnes de 60 ans ou plus ? » C’est à cette question que répond l’enquête (1) de la Drees (direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) publiée vendredi 3 février. Dans le détail, l’étude montre que les personnes actuellement en établissement sont beaucoup plus âgées (86 ans en moyenne contre 72 ans à domicile), ont davantage de limitations motrices et cognitives et ont donc besoin de beaucoup plus d’aide que celles qui ont pu rester chez elles.
Autre constat : la population des Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) est hétérogène. Les résidents les plus jeunes (moins de 75-80 ans) sont très différents des personnes du même âge vivant à domicile, mais ces différences s’estompent aux grands âges. Ils sont plus souvent sans enfant (un quart d’entre eux n’en ont pas et un tiers n’ont pas de petits-enfants), en moyenne plus défavorisés socialement et ils présentent des limitations fonctionnelles bien plus importantes que la population à domicile du même âge.
« Les personnes de moins de 75 ans en établissement ont donc des limitations particulièrement importantes pour leur âge », résume l’étude. Ce qui, d’après la Drees, explique en partie le taux particulièrement élevé de sujets sous protection juridique : plus d’un résident de moins de 75 ans sur deux fait l’objet d’une mesure de tutelle ou de curatelle.
108 000 résidents supplémentaires d'ici à 2030
« A l’heure où l’on parle beaucoup de virage domiciliaire, ces résultats mettent en lumière les questions posées par cette volonté de désinstitutionnalisation des personnes âgées », estiment les rapporteurs. Cette étude « permet de préciser les conditions de possibilité concrètes d'un maintien à domicile important, voire total, des publics actuels en Ehpad », explique la Drees, soulignant que ses résultats « interrogent les politiques publiques » à plusieurs égards.
Elle rappelle en effet qu'il faudrait pouvoir accueillir 108 000 personnes âgées supplémentaires en établissement d'ici à 2030, si la proportion de personnes résidant en institutions restait inchangée à chaque âge et à chaque degré de perte d'autonomie. Or « la politique actuelle ne s'oriente pas vers le développement massif de nouvelles places en établissement, mais plutôt vers un virage domiciliaire motivé par le souhait exprimé par les personnes de rester à domicile ».
Dès lors, « les conditions économiques et sociales de leur maintien à domicile et du soutien à leur autonomie doivent donc être anticipées sérieusement ». Celles-ci impliquent en particulier « l’existence et la viabilité économique d’un important secteur de l’aide à domicile », avec des services tels que l’aide au ménage, au repas et à la toilette mais aussi une prise en charge médicale et paramédicale à domicile, qui correspondrait aux tâches assurées aujourd’hui par le personnel sanitaire des Ehpad.
>>>> L'étude de la Drees
(1) Les enquêtes Capacités, aides et ressources des seniors (Care) ont été menées par la Drees en 2015 et 2016 auprès de personnes de 60 ans ou plus résidant en France métropolitaine, à domicile ou en établissement pour personnes âgées. Elles ont la particularité d’interroger de façon comparable les personnes quel que soit leur lieu de vie.
Auteur
- MAXIME RICARD