EDITO - Maltraitance

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Odeurs d’urine, privations de nourriture, rationnement des protections, sous-effectifs, turn-over, management toxique, rentabilité à tout prix, lobbying politique… Il y a un an, les révélations accablantes de Victor Castanet sur Orpea, leader mondial des Ehpad privés, ont fait l’effet d’une bombe. Son livre Les fossoyeurs qui, outre les maltraitances institutionnelles, dénonce les subventions publiques dont bénéficie le groupe, est réédité dans une version augmentée. Le journaliste y raconte les nombreuses pressions dont il a été l’objet lors de son travail d’enquête : filatures, menaces, manœuvres d’intimidation… Il arrive que les journalistes dérangent et qu’on veuille les faire taire.

Mais, preuves à l’appui, le scandale a éclaté, mettant au grand jour le « business » du grand âge et de la dépendance. Un système bien huilé où il n’y a pas de petits profits. Où la moindre biscotte est comptée. Mais que l’on ne s’y trompe pas : la loi du marché, la mise en concurrence, la réduction des coûts… envahissent aussi les établissements publics. A l’image des soignants hospitaliers, les professionnels de la protection de l’enfance, du handicap, de l’exclusion alertent sur les risques de maltraitances, et la perte de sens de leurs métiers. Ils appellent à plus de considération pour les plus fragiles et pour eux-mêmes. En vain.

Après l’affaire Orpea, l’Etat a exigé que tous les Ehpad soient inspectés d’ici 2024. Soit, mais des contrôles existent déjà et rien n’a été résolu. Une loi « grand âge » avait été promise. Enterrée. Dix-huit mois après son premier rapport sur « Les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en Ehpad », la défenseure des droits publie une seconde enquête dont le bilan demeure « extrêmement préoccupant » : accompagnement insuffisant des résidents, prévalence de la logique comptable sur la présence humaine, manque de moyens…

Parmi les saisines reçues par ses services entre mai 2021 et décembre dernier, 43 % concernent des maltraitances. Comme ce directeur d’Ehpad qui, faute de personnel, a imposé aux résidents de rester au lit deux jours par semaine. Dans ses conclusions, Claire Hédon réclame 8 soignants pour 10 personnes âgées (contre un ou deux pour 14 résidents chez Orpea, selon Victor Castanet) et la création d’un dispositif de « vigilance médico-sociale ».

Un espoir, toutefois : un arrêt du 14 décembre dernier a rejeté le licenciement pour faute grave d’une aide-soignante de nuit censée s’occuper de 35 personnes en situation de handicap. Les juges ont estimé que l’acte de maltraitance à l’égard d’une résidente dont l’accusait son employeur était imputable non pas à la salariée mais à ce dernier du fait de son organisation du travail défaillante.

Auteur

  • BRIGITTE BÈGUE