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Journée mondiale Alzheimer : les malades sont aussi des citoyens
Psychiatre spécialisée des personnes âgées et de la maladie d'Alzheimer, Véronique Lefebvre des Noëttes invite, dans son dernier ouvrage, à mieux comprendre cette maladie qui fait si peur.
Véronique Lefebvre des Noëttes est psychiatre, spécialiste du sujet âgé depuis plus de trente ans à l'hôpital Émile Roux (Limeil-Brévannes Val-de-Marne). Elle y a ouvert la première consultation mémoire de l'assistance publique des hôpitaux de Paris puis y a développé des ateliers mémoire ou encore de stimulation cognitive. Elle vient de publier aux éditions du Rocher Que faire face à Alzheimer, gagner des années de vie meilleures (1€ sera reversé à l'association France Alzheimer. « Que faire à Alzheimer, gagner des années de vie meilleures ? » est publié aux éditions du Rocher).
Pour qui avoir écrit ce livre ?
« Il est d'abord destiné au grand public pour démystifier la maladie d'Alzheimer, pour qu'on n'en ait plus peur. L'idée est d'enfiler une blouse blanche et d'être mon stagiaire pour regarder ce que l'on peut faire. On ne sait pas guérir la maladie d'Alzheimer mais on sait prendre en soins, proposer un programme de prévention et de stimulation même avant que le diagnostic ne soit posé. »
Les conseils que vous donnez dans le livre relèvent aussi du mieux vieillir...
« Oui, toutes les études montrent que si on contrôle la nutrition, les facteurs de risques vasculaires (diabète, cholestérol, hypertension artérielle) on fait reculer le nombre de malades de près de 50% ce qui est énorme. Il faut cultiver son jardin, marcher, bien se nourrir, avoir des amis. »
« La grande nouvelle du XXI siècle c'est la neuroplasticité : être en relation avec l'autre, la musique, les expositions développent des nouvelles connexions synaptiques : on peut apprendre à apprendre jusqu'à un âge très avancé et tout ça protège le cerveau de la mort neuronale. Laissez un malade confiné chez lui, sans relation, et le cerveau, qui va toujours chercher du sens, va inventer des choses, ce qui va être pris pour un délire, une hallucination. La première des choses c'est de compenser les facteurs liés au vieillissement (vue, ouïe, etc.). »
Vous dites aussi qu'il y a moins de malades d'Alzheimer que prévu aujourd'hui ?
« Il y a plus de malades, parce que la société vieillit, mais pas autant qu'attendu. Le pourcentage de la population atteinte a diminué et c'est une très bonne nouvelle. Aux États-Unis, c'est l'effet inverse : ils augmentent leurs chiffres d'épidémiologie parce que c'est le king size en permanence, l'obésité morbide chez des gens très jeunes. Les facteurs de risque vasculaire sont primordiaux : si on diminue de deux points les chiffres de l'hypertension artérielle, on fait reculer la prévalence de la maladie d'Alzheimer de 25%. »
La prise en charge s'est-elle améliorée ?
« Oui, car on connaît mieux la maladie et il y a des règles, une obligation de former les personnels. Il y des scandales dans les EHPADs, je ne les nie pas. Ce sont quelques maisons de retraite qui, du fait du mode de management, comme à l'hôpital, sont tournées vers le chiffre avant tout : les êtres humains disparaissent. »
Vous expliquez la nécessité d'offrir un meilleur cadre de vie avec des ateliers, la présence d'animaux. Dans le contexte économique actuel, n'est-ce pas utopique ?
« C'est un beau rêve qui ne coûte pas très cher, c'est ça que je veux porter comme message. Un atelier peinture, trois poules, un lecteur CD, un aquarium avec des poissons, dans la salle à manger, un claustrât où on va mettre un malade plus difficile que les autres, des couleurs apaisantes : cela ne coûte rien, juste un peu de bon sens et de bonne volonté. Le beau soigne.
Les malades d'Alzheimer ne deviennent pas des grands psychotiques, des grands fous avec l'évolution de la maladie. C'est aussi ce message que je veux faire passer. Ce sont des éponges émotionnelles très sensibles à l'ambiance qu'on va leur proposer. Il faut une concertation bien en amont des politiques, des maires, des directeurs d’EHPAD, pour offrir un écrin d'apaisement, ne pas tirer sur les prix pour tout. Il faut penser les EHPAD hors les murs, des petites structures, des familles d'accueil au centre des villes. Penser une société bienveillante : former le facteur, le pharmacien, le boulanger à la maladie. Montrer que ces personnes sont des êtres humains dignes d'existence et de respect. Ils sont aussi des citoyens. »
Vous écrivez que le regard sociétal se durcit sur la maladie...
« Oui et je ne peux plus me taire sur ce que je vois : des choses magnifiques même dans un hôpital en grande difficulté auprès de personnes très polypathologiques, très démentes avec des familles qui sont dans la souffrance. On arrive quand même à faire un travail. C'est un regard positif : montrer qu'il y a aussi des zones d'apaisement. »
Infos pratiques
Prix : 19,90 €
Date de parution : 04.09.2019
Nb. de pages : 308
EAN : 9782268102382