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Accessibilité : l'heure de vérité
Alors que le gouvernement a obtenu le 10 juillet dernier l’adoption de la loi qui l’autorise à légiférer par ordonnances en matière d’accessibilité, le projet d'ordonnance concernant les transports provoque des réactions du côté des associations de personnes handicapées, les textes prendront-ils un retard ?
Est-ce surprenant ? Si la méthode utilisée par le gouvernement dans ce dossier a permis de calmer le jeu dans un premier temps, le fait d'avoir officiellement maintenu l'échéance de février 2015 n'a pas permis de faire le constat partagé clairement d'une loi en grande partie inapplicable, notamment dans les transports non urbains.
Les principaux éléments du dossier sont bien connus : un retard de trente ans que la loi de 2005 a voulu combler en dix ans, des budgets contraints, des textes réglementaires pris tardivement et parfois, un déni de réalité (illustré par le flou entretenu autour de la notion d'impossibilité technique avérée). On ne pouvait pas mieux s'y prendre pour faire échouer une juste cause.
Le retard accusé en France ne place pas notre pays en bonne position par rapport à nos voisins, l'excuse budgétaire est très souvent évoquée, alors que les associations ont globalement fait montre de pragmatisme sur des points bloquants, et notamment sur les transports scolaires avec la dérogation, ou les points d'arrêt prioritaires (l'échelonnement des investissements). Quant au pilotage du dossier par le gouvernement (affaires sociales) et l'administration, il a été exemplaire, au point même de voir le législateur brouiller (inutilement) les pistes sur les délais.
Des péripéties ou pire
On est le 10 juillet. La loi habilite le gouvernement à légiférer par ordonnances en matière d’accessibilité. Après une concertation de plusieurs semaines, le projet de loi avait franchi plutôt sans encombre le cap préalable du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH).
Les associations membres se contentent de "prendre acte" de la volonté du gouvernement d’accorder aux établissements recevant du public des délais supplémentaires via les Agendas d’accessibilité programmée (Ad'Ap) et "d’adapter" les obligations des transports publics. Les transports scolaires par exemple sortent (discrètement) du champ d'application de la loi, et la mise en accessibilité des autocars de ligne se fera au renouvellement du véhicule. Seule la date de février 2015 est maintenue : les collectivités conservent une obligation de délibération - les fameux Ad'Ap.
Reste la mise en œuvre. Tout semblait prêt pour que l’ordonnance et les textes réglementaires soient rapidement adoptés en Conseil des ministres, celui du 27 août a même été évoqué. Mais, rien, et rien non plus au Conseil des ministres du 3 septembre.
Le bras de fer de trop ?
En coulisses, un bras de fer s'engage : les associations de personnes handicapées et les collectivités territoriales ne partagent pas les principales options. Il faut dire que contrairement à la FNTV, l'ADF (Association des départements de France) n'a pas joué un jeu ouvert. Le 24 juin, la Commission consultative de l’évaluation des normes a rendu un avis défavorable sur le projet d’ordonnance et de textes réglementaires, alors qu'elle avait rendu un avis favorable sur un texte qui constituait une "petite bombe" avec la mise en accessibilité de 60000 véhicules légers en moins de dix-huit mois !
Les élus considèrent globalement que les mesures proposées restent "trop contraignantes et inadaptées compte-tenu de la diversité des situations locales", et lancent un "appel solennel au discernement pour une application des règles relatives à l’accessibilité proportionnée aux moyens financiers des collectivités locales". Certes, ils n'ont pas changé d'avis sur ce point, surtout les élus communaux et intercommunaux, en prise directe avec la réalité. Le 10 juillet, un autre avis défavorable est intervenu, mais pour des raisons diamétralement opposées. Dans un document très argumenté, il met en pièces les projets du gouvernement.
Il dénonce les délais "excessifs et à rallonge" des Ad'Ap, "l’insupportable surexposition des difficultés financières", "l’enterrement de première classe" des objectifs de la loi de 2005 en matière de transport, et la création d’un quatrième motif de dérogation : le refus de la copropriété, qui exclura de fait de toute obligation les études de notaire, cabinets d’avocats ou de médecins installés dans un immeuble.
Un changement de cap, si près de l'échéance serait désastreux.
Verdict le 10 septembre prochain.
Article rédigé par La rédaction de Bus&Car le 04/09/2014