Rogner les budgets de l’aide à domicile ? Un mauvais calcul, selon l’Adédom

Autonomie

« La baisse du financement de l’aide à domicile pourrait doubler, voire tripler, le coût de prise en charge des personnes dépendantes accompagnées chez elles », affirme l'Adédom.

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Une étude dévoilée par la fédération de l’aide à domicile propose plusieurs scénarios pour évaluer les conséquences concrètes d'une baisse des financements en termes d'emplois, de dépenses publiques ou de qualité de vie pour les personnes accompagnées et leurs aidants.  

Tous les clignotants sont au rouge dans l’aide à domicile. Secoué depuis plusieurs années par les coupes budgétaires dans les crédits départementaux, le secteur attend avec circonspection les conclusions du débat parlementaire sur les projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2026 qui pourraient se traduire par des coups de rabot supplémentaires. Crainte récemment aggravée par l’annonce d’un plan « grand âge » – dont les contours sont pour l’instant inconnus – par la ministre chargée des personnes âgées et handicapées, Charlotte Parmentier-Lecocq, mais surtout par le projet d’un nouvel acte de décentralisation annoncé par Sébastien Lecornu. Dans un courrier adressé aux présidents de conseils départementaux le 24 novembre dernier, le Premier ministre déclare notamment son intention de redonner la main à ces collectivités sur le pilotage financier des politiques d’autonomie.

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Des Saad « déjà exsangues »

Du côté de lAdédom, l’une des principales fédérations professionnelles du secteur regroupant quelque 350 acteurs non lucratifs, on tire la sonnette d’alarme. « Sur l’accompagnement des personnes âgées et handicapées, nos adhérents sont déjà exsangues. Baisser les financements publics revient à dégrader l’accès à l’aide, ce qui entraîne des conséquences sur les parcours de vie des usagers et de leurs proches », prévient sa directrice générale, Laëtitia Verdier. Sur leurs parcours de vie… mais aussi pour leur portefeuille. Selon une étude dévoilée le 25 novembre conjointement par la fédération et l’Ocirp, un organisme de retraite et de prévoyance non lucratif, « la baisse du financement de l’aide à domicile pourrait doubler, voire tripler, le coût de prise en charge des personnes dépendantes accompagnées chez elles ».

Modélisation

Pour l’affirmer, les auteurs de l’enquête – les cabinets de conseil Keolis et Eurogroup, spécialisés dans les études d’impact dans le champ social – sont partis de l’hypothèse d’une réduction de 50 % du nombre d’heures d’accompagnement dont bénéficie aujourd’hui chaque usager. Résultats : les destructions d’emplois dans le secteur frôleraient les 5 % au niveau national avec des variations, à l’échelle départementale, allant de 2,5 % à 7,5 % en fonction de la situation géographique de la collectivité, du vieillissement de sa population ou du niveau de revenus de ses habitants. Evidemment, la qualité du service, voire son accès, serait réduite d’autant pour les personnes dépendantes et leurs proches-aidants.

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Deux exemples pour illustrer le propos : avec 2,6 millions d’heures d’aide et d’accompagnement à domicile chaque année, 1 979 emplois dans le secteur, un taux de vieillissement un peu supérieur à la moyenne nationale et des revenus par foyer plutôt inférieurs, la métropole orléanaise fait partie de ces territoires jugés « moyennement exposés à la fragilisation du secteur ». L’aide à domicile y représente 25 millions d’euros de revenus disponibles et génère 15,5 millions de retombées pour les finances publiques. Selon la formule de calcul retenue, une baisse du soutien à l’aide à domicile se traduirait par la suppression d’une centaine d’emplois, soit 128 700 heures travaillées en moins et un coût pour la collectivité (indemnisation chômage, etc.) évalué entre 1,3 et 2,5 millions d’euros par an.

Dans la communauté de communes de Caux-Austreberthe (Seine-Maritime), territoire de grande ruralité « fortement exposé » (population vieillissante, revenu inférieur à la moyenne), ces baisses de dotations supprimeraient 11 emplois sur les 141 recensés dans le secteur et l’indemnisation de ces nouveaux chômeurs représenterait un coût pour la puissance publique estimé entre 137 800 € et 265 000 €. « Un euro économisé sur l’aide à domicile entraînera près de 3,50 euros de dépenses supplémentaires pour la collectivité », calcule Laëtitia Verdier.

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Conditions de vie dégradées

Les finances publiques ne seraient cependant pas les seules impactées par les coupes budgétaires. La qualité de vie des personnes accompagnées et de leurs aidants en serait dégradée d’autant. Toujours dans le cadre de la modélisation de l’enquête, une personne âgée dépendante de 75 ans, à la situation financière dans la fourchette basse (16 000 € par an) assistée d’un proche-aidant de 52 ans et bénéficiant d’une prise en charge d’aide à domicile « normale », pourrait vieillir chez elle jusqu’à 86 ans, âge de son entrée à l’Ehpad, avant son décès à 87 ans, sans que la vie et l’emploi de son aidant n’en subissent trop de conséquences.

A l’inverse, en cas de réduction de 50 % de cette aide, l’entrée en Ehpad surviendrait plutôt vers 84 ans, son décès deux mois plus tôt que dans le scénario précédent et entraînerait un surcoût de dépenses de santé assumés par la collectivité. Mêmes conséquences pour son aidant qui, devant multiplier les absences au travail et accumulant stress et fatigue, augmenterait les risques de perdre son emploi et de voir sa santé se dégrader. Une situation qui entraînerait à son tour des dépenses supplémentaires pour la collectivité (chômage et assurance maladie). Calcul perdant pour tout le monde, donc…