"Les démarches administratives, un parcours du combattant pour de nombreuses familles"

Autonomie

Luc Gateau est président de l'Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei) depuis 2017. 

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[INTERVIEW] La ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap Charlotte Parmentier-Lecocq vient de présenter 18 mesures pour simplifier et alléger les démarches auprès des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Des propositions de « bon sens », selon Luc Gateau, président de l’Unapei, qui n’aboutiront que si elles sont accompagnées de moyens financiers et humains.

Les mesures annoncées par la ministre chargée de l'autonomie et du handicap s’articulent autour de quatre axes majeurs :

  • Alléger les démarches,
  • Ecouter, orienter et accompagner,
  • Simplifier et réduire les délais,
  • Soutenir les agents des MDPH et moderniser leurs outils.

Luc Gateau, président de l'Unapei, les passe en revue pour ASH, tout en pointant les difficultés administratives structurelles auxquelles sont confrontées au quotidien les personnes en situation de handicap.

 

ASH : Quel regard portez-vous sur les mesures annoncées pour simplifier les démarches auprès des MDPH ?

Luc Gateau : Ces annonces vont dans le bon sens et étaient attendues de longue date. Les mesures 1 et 2 prévoient d’étendre, d’unifier et de systématiser l’attribution des droits sans limitation de durée sur tout le territoire. En principe, cela devrait déjà être mis en œuvre mais ce n’est pas uniforme dans tous les départements.

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Même chose pour la mesure 16 qui prévoit la formation des agents sur les handicaps invisibles et la communication alternative et améliorée (CAA). Ces formations sont essentielles pour améliorer les conditions d’attribution des droits et mieux connaître les impacts de ces troubles sur le quotidien des personnes et de leurs proches. Elles devraient notamment permettre de mieux mettre en œuvre la récente réforme de la prestation de compensation du handicap (PCH) que nous avons portée [pour faciliter l’accès à l’aide humaine aux personnes atteintes d’une altération des fonctions mentales et cognitives, ndlr].

Quels sont pour vous les mesures principales ?

Les mesures 3, 5 et 7 invitent à davantage faire confiance aux demandeurs et à renforcer les temps d’échanges en face à face avec des interlocuteurs. La mesure 10 prévoit plus de moyens humains pour faciliter les procédures. Et la mesure 12 va favoriser des notifications de droits rendues plus claires et plus accessibles. Nous espérons que ce sera l’occasion de s’appuyer sur l’expertise des personnes en situation de handicap intellectuel à travers les ateliers de « facile à lire et à comprendre » par exemple.

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De notre côté, à l’Unapei, on salue notamment l’accent qui devrait être mis sur la formation des agents relative aux handicaps invisibles, particularité des handicaps que nous accompagnons, comme les troubles du neurodéveloppement et les handicaps psychiques. La mesure 16, qui inclut une formation spécifique à la communication alternative et améliorée, est selon nous essentielle pour l’accueil des personnes et des familles que nous représentons, ainsi que pour améliorer l’attribution des droits.

La mesure 17 prévoit un recours à l’intelligence artificielle pour réduire les délais, qu’en pensez-vous ?

S’agissant de l’accompagnement des personnes concernées par les troubles du neurodéveloppement, nous insistons sur une double nécessité : un suivi des dossiers le plus fin possible, ainsi que des rencontres avec les intéressés et leurs familles. Pour garantir cette qualité, l'intelligence artificielle doit permettre de gagner du temps sur des suivis et des attributions de niveau simple.

Comment envisagez-vous la suite ?

Les démarches administratives restent un parcours du combattant pour de nombreuses familles. Toutes ces difficultés ont été rappelées dans le dernier rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, ce n’est pas une découverte. Nous allons être attentifs à la mise en place de ces annonces et au respect du calendrier, parce que les MDPH ont, en tant qu’acteur spécialisé dans l’accès aux droits, un rôle essentiel. Il est urgent de les renforcer et de leur donner les moyens humains et financiers nécessaires pour fonctionner.

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Nous rappelons aussi qu’une orientation MDPH ne garantit pas qu’une solution sera apportée en bout de course. Pour cela, nous avons besoin d’une réelle volonté de politique globale sur le handicap, plus cohérente et davantage financée qu’aujourd’hui, de façon à ce que les accompagnements soient au plus près des droits et des besoins des personnes. Un exemple : il manque aujourd’hui des places en foyer d’accueil médicalisé, si bien que des personnes sont maintenues en foyer ordinaire le temps d’avoir une place. Parfois, et même souvent, c’est dix ans d’attente.

>>>> Retrouvez les 18 mesures pour simplifier et alléger les démarches

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