Handicap : 50 000 enfants sans solution, “la partie émergée de l’iceberg”

Autonomie

"Aujourd’hui, il faut travailler sur l'accessibilité de l'environnement et des documents pédagogiques, mieux former les enseignants sur les techniques et la posture à adopter par rapport au retentissement des handicaps", Sonia Ahéhéhinnou, vice-présidente de l'Unapei.

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[INTERVIEW] L'Unapei analyse les chiffres révélés par la commission d'enquête sur les défaillances des politiques publiques de prise en charge du handicap et de la santé mentale, qui pointe entre autres une nette augmentation du nombre d'élèves sans AESH en cette rentrée 2025.

Sonia Ahehéhinnou est la 1ère vice-présidente de l’Unapei (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis) chargée de l'éducation et de la scolarisation.

Etes-vous surprise par ces chiffres ?

Sonia Ahehéhinnou : On ne peut pas être surpris dans la mesure où ces chiffres s'alignent avec les résultats des enquêtes que nous avons menées auprès de nos associations sur le terrain. Celles-ci révélaient que cette année, 13 % des enfants étaient sans solution de scolarisation.

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En revanche, il faut souligner qu'on nous donne des chiffres pour la première fois. On ne parle pas d’annonces ou de dispositifs, mais on parle bien des enfants. A l’Unapei, cela fait des années qu’on demande plus de transparence et la création d’un observatoire des besoins. On a le sentiment qu’on met enfin le doigt là où il faut, et on commence à tirer des ficelles sur une problématique que les associations dénoncent depuis des années.

Comment expliquer la hausse de 35% du nombre d’enfants sans AESH par rapport à 2024 ?

Elle s’explique notamment par des problèmes de moyens mais aussi de recrutement des AESH, puisque même lorsqu'on augmente le nombre d’offres de postes, on ne trouve pas assez de professionnels. Ces chiffres ne montrent cependant que la partie émergée de l’iceberg et il faudrait aller beaucoup plus loin pour connaître la réalité des parcours qui se cachent derrière. Combien de ces enfants vont à l'école sans accompagnement et combien sont déscolarisés ? Combien d'élèves sont-ils considérés comme accompagnés, alors qu’ils n’ont qu’une heure ou deux d’AESH ? Derrière ces chiffres-là, il y a aussi la qualité des accompagnements.

La publication de ces chiffres, c’est donc un premier pas ?

Essayer de chiffrer, c'est un premier pas. Mais encore une fois, ces chiffres restent à préciser et à affiner. Surtout, on pense qu’il faut aller plus loin que la seule résolution des problèmes. Aujourd’hui, le gouvernement souhaite apporter des solutions. Ce que nous, parents et associations du réseau, attendons, ce sont des actions qui répondent à des besoins et à des projets de vie. Ne plus être seulement dans le curatif et dans une logique de réparation après coup, sinon dans le préventif avec des actions concrètes, construites à partir des réalités vécues par les personnes concernées, et inscrites dans une approche globale des parcours.

Quelles sont les conséquences de l'échec de l'école inclusive ?

Elles sont d’abord pour les élèves. L’absence de scolarisation dans des bonnes conditions, ou de scolarisation tout court, va certainement réduire toutes les chances de développement et de construction d’un avenir en pleine autonomie. Mais un mauvais accompagnement ne se traduit pas seulement par une perte de chances éducatives : il accentue la précarisation et l’isolement des familles et finit par coûter encore plus cher à la société.

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Car un enfant qui ne va pas à l'école ou pas assez, il faut pouvoir l'accompagner à domicile. L’un des parents - ou le parent, lorsque c'est une famille monoparentale - est alors contraint d’arrêter de travailler, temporairement ou définitivement. C’est du pouvoir d’achat en moins et ce sont des parents qui vont se tourner vers des allocations et des demandes d’aides sociales. A la fin, le coût est beaucoup plus élevé que si on avait accompagné correctement les élèves dès le départ.

Quels sont les besoins les plus urgents ?

Il faut évidemment plus d’AESH, mais ce n'est pas la seule solution. L'accompagnant a une mission essentielle pour retranscrire les consignes des élèves en situation de handicap, écrire à la place d’un élève qui ne peut pas, ou même pour agir sur le lien social. Mais vous avez des enfants qui ont des besoins beaucoup plus importants, avec par exemple des troubles du déficit de l'attention, une hyperactivité, et des comportements qui peuvent devenir problématiques pour la bonne cohésion de la classe.

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Aujourd’hui, il faut donc travailler sur l'accessibilité de l'environnement et des documents pédagogiques, mieux former les enseignants sur les techniques et la posture à adopter par rapport au retentissement des handicaps, les différents apprentissages, les liens de socialisation, la communication, etc. C'est vraiment un ensemble de mesures qui doivent viser à la transformation du système, dans le but de le rendre plus agile.