Attractivité des métiers du grand âge : le Synerpa demande un "avenant 33

Métiers et formations

Pour Jean-Christophe Amarantinis, président confédéral du Synerpa, « le PLFSS 2026 doit être celui qui donnera à la filière les moyens de se préparer au choc démographique, domicile compris ! »

Crédit photo DR

Alors que s’ouvre son congrès annuel, l’organisation patronale attend du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale qu’il consacre les moyens nécessaires au développement du secteur du grand âge. Un champ dont les besoins sont estimés à 400 000 salariés supplémentaires à l’horizon 2030.

L’attractivité des métiers du grand âge sera au cœur des débats du 24e congrès du Synerpa (Syndicat national des établissements, résidences et services d’aide à domicile pour personnes âgées) qui s’ouvre ce jeudi 12 juin à Mandelieu-la-Napoule (Alpes-Maritimes). Alors que se rapproche à vitesse grand V l’échéance 2030 à partir de laquelle le secteur risque de se fracasser sur le mur du vieillissement de la population, les professionnels s’inquiètent de la pénurie de personnel qui touche leurs établissements.

88 % d'établissements en difficulté de recrutement

« Nous aurons besoin de 400 000 ETP [équivalents temps plein] à cette date, mais aujourd’hui, 88 % de nos adhérents sont touchés par des difficultés de recrutement », alerte Jean-Christophe Amarantinis, le président confédéral du syndicat. A quoi s’ajoute la perspective du départ en retraite anticipée de quelque 18 000 salariés ces prochaines années. Faute de main-d’œuvre suffisante, les établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) font appel à des intérimaires et des contrats à durée déterminée (CDD). Ils représentent 10 à 15 % de leurs effectifs, notamment dans les métiers du soin.

>>> A lire aussi : La Cour des comptes circonspecte sur la soutenabilité du virage domiciliaire

La branche a pourtant fait des efforts pour regagner la confiance de ses résidents et de leurs familles à la suite des scandales Orpéa et Korian. La « charte de l’engagement », mise en place à partir de 2023 au sein des quelques 2 000 Ehpad adhérents au Synerpa afin d’améliorer l’éthique et d’améliorer la qualité de vie a porté ses fruits, à en croire une étude de l’institut Wedoxa dévoilée le 11 juin. Les résultats sont plutôt encourageants avec un taux de satisfaction des résidents noté à 8,1 sur 10 (7,6 pour les proches aidants et 6,9 pour les salariés), selon les chiffres rapportés par près de 660 Ehpad répondants.

Choc démographique, choc d'attractivité

Pas suffisant, cependant, pour provoquer le « choc d’attractivité » des métiers du grand âge qu’attend le Synerpa, alors que le Parlement commence à se pencher sur le prochain budget de la sécurité sociale. « Le PLFSS 2026 doit être celui qui donnera à la filière les moyens de se préparer au choc démographique, domicile compris ! », avertit Jean-Christophe Amarantinis. En clair : malgré ses recherches d’économies, le gouvernement est attendu au tournant pour mettre la main à la poche et permettre au secteur de dégager les marges dont il a besoin.

Et la liste des besoins répertoriés par le syndicat est particulièrement fournie puisque l’organisation demande, en vrac, la suppression de la réserve prudentielle de 241 millions d’euros appliquée en 2025 sur les crédits destinés au grand âge ; l’évolution des dotations accordées aux ESMS dans le cadre de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) ; le renforcement des dotations départementales à l’accompagnement des personnes âgées maintenues à domicile (en faisant passer le montant de l’APA de 24,58 € à 31 € minimum) ; des moyens pour développer les soins palliatifs dans les Ehpad et même l’instauration d’une seconde journée nationale de solidarité dédiée au financement du grand âge.

Un "avenant 33 revisité"

Côté attractivité salariale, la situation du secteur est d’autant plus tendue que le procès opposant la CFDT à près de 300 établissements et groupements d’établissements du secteur privé – incluant le Synerpa et la Fédération de l’hospitalisation privée, ou FHP – autour du versement des revalorisations salariales prévues par la nouvelle grille des classifications et rémunérations de la branche (dite « avenant 33 ») vient de débuter le 27 mai. Si l’enjeu pour les cédétistes est de contraindre les employeurs à verser les augmentations prévues (débutant à Smic + 10 % pour les plus bas salaires), ces derniers n’en démordent pas : « L'accord dit bien que l’application de ces revalorisations est conditionnée à leur prise en charge à 100 % par l’Etat », rappelle Jean-Christophe Amarantinis. Une promesse faite à l’époque où Gabriel Attal siégeait à Matignon mais sur laquelle ses successeurs sont revenus depuis.

>>> A lire: Secteur lucratif : le sort de "l’avenant 33" désormais au tribunal

N’empêche que pendant ce temps-là, le bas de la fiche de paye du personnel de ces Ehpad demeure inchangée. Et qu’en attendant la décision des juges – qui pourra prendre plusieurs années, comme le reconnaissait Emmanuel Stene, l’avocat de la CFDT à l’ouverture du procès – l’attractivité des métiers du grand âge n’avance pas d’un pouce. Dans l’intervalle, la FHP, le Synerpa et les autres réseaux d’employeurs tentent d’amadouer la CFDT et l’Unsa – l’autre organisation syndicale n’ayant pas signé l’accord salarial – en promettant un « avenant 33 revisité » où le gouvernement pourrait revoir à la hausse son niveau de compensation pour les employeurs. Selon le président du Synerpa, « les choses avancent au ministère de la Santé », laissant entrevoir l’espoir d’une sortie de crise avant la fin de l’année.

Des budgets pour la formation

L’autre élément sur lequel mise l’organisation patronale pour attirer les candidats mais aussi fidéliser les salariés déjà en poste, c’est la formation professionnelle et notamment la mise en œuvre de moyens destinés à faciliter les progressions de carrière mais aussi les reconversions professionnelles vers les emplois du secteur. Sauf qu’à l’heure actuelle, les enveloppes budgétaires – notamment pour la validation des acquis de l’expérience (VAE) – ont été rangées dans les tiroirs en attendant des jours meilleurs, malgré la promesse d’Astrid Panosyan-Bouvet de relancer prochainement le chantier France VAE aujourd’hui à l’arrêt. A ce titre, mais aussi pour débloquer les crédits nécessaires à la mise en place de plans de formation plus conséquents au sein des établissements, la branche a engagé un dialogue avec les opérateurs de compétences (Opco) du secteur, ainsi qu’avec France travail pour sourcer des demandeurs d’emploi vers les métiers du grand âge.

>>> A lire: Le ministère du Travail relance le chantier France VAE