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La CNSA réclame un « Plan Marshall des métiers du domicile »

Autonomie
Maëlig le Bayon (à g.) et Jean-René Lecerf (à dr.), directeur général et président du conseil d'administration de la CNSA.
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La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie - qui présentait son premier rapport sur la 5e branche de la Sécurité sociale - s’engage dans une année bien chargée, marquée notamment par l’expérimentation de la fusion des sections « soins » et « dépendance » des Ehpad.
Télescopage des calendriers : alors que l’Assemblée nationale entrait, le 5 février, dans la toute dernière ligne droite de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2025 avant de finalement l'adopter dans la soirée, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) choisissait la même date, à quelques heures près, pour présenter le tout premier rapport d’activité de la branche autonomie de la Sécurité sociale. Créée par l’ordonnance du 2 décembre 2021, l’activité de cette cinquième caisse nationale de la Sécurité sociale, n’avait jusqu’à présent jamais encore fait l’objet d’une évaluation.
L’exercice auquel s’est prêté la CNSA est donc inédit. Et le contexte politique dans lequel il intervient ne l’est pas moins, puisqu’après la chute du gouvernement Barnier consécutif à la présentation d’un premier PLFSS, le succès d’une deuxième mouture est conditionné à l’approbation de celui-ci par le groupe socialiste de l’Assemblée. Ce dernier, à l’issue de plusieurs jours de tractations avec les équipes de François Bayrou et le « socle majoritaire » du Palais-Bourbon, a réussi à arracher suffisamment de concessions pour le juger valable. « Il ne s'agit pas de remettre en question le fonctionnement de notre démocratie parlementaire, mais tout cela peut occasionner des retards pénalisants pour le domaine de l’autonomie. On peut toujours arrêter les horloges du Parlement, mais pas la vie quotidienne des personnes en situation de dépendance », soupirait Jean-René Lecerf, président de la CNSA le 5 février au matin.
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Enveloppes sanctuarisées
Parmi les revendications satisfaites du parti à la rose figurait justement un effort significatif en direction des Ehpad. A savoir une enveloppe sanctuarisée de 300 millions destinées à soulager la trésorerie des établissements en difficulté économique, ce qui est aujourd’hui le cas de 60,3% d’entre eux. Dont 32% pour lesquels le trou dans la caisse excède de 5% le montant de leurs recettes. Autres coups de pouce significatifs en faveur de l’autonomie : le maintien des budgets consacrés à la première vague des « 50 000 solutions pour le handicap » déjà inscrites dans le projet de budget de l’équipe Barnier et de 50 000 recrutements dans les Ehpad, dont la première tranche correspondant à 6500 emplois nouveaux doit être déployée cette année… à condition, bien entendu, que ces offres d’emplois trouvent les candidats nécessaires. Une vraie difficulté alors que l’accord salarial de la branche associative sanitaire, social et médico-social (Bass) augmentant les salaires de 180 euros net par mois n’est toujours pas appliqué dans l’ensemble des établissements de la branche faute de crédits départementaux pour le financer.
Les départements, justement, pourraient bénéficier, en l’état, d’un abondement de 85 millions pris sur les fonds de la Caisse afin de compenser ces augmentations de salaires. A quoi s’ajoutent 200 millions au titre des concours de la CNSA chargés de compenser leurs dépenses au titre du versement de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA : 1,3 millions de bénéficiaires en 2022, soit une augmentation de +0,6%), de la prestation compensatoire du handicap (PCH : 383 200 bénéficiaires, en hausse de 4,2%), mais aussi des servies d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) ou des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Fin 2023, celles-ci avaient accueilli 2,83 millions de personnes reconnus à la qualité de travailleur handicapé (RQTH), soit un chiffre en hausse de 6,7% sur l’année et de 18,1% depuis 2019.
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Deux réformes majeures
Mais si la CNSA piaffe en attendant ce budget 2025, c’est aussi parce que l’année sera marquée pour elle par deux réformes majeures. Celle de la fusion expérimentale des secteurs « soins » et « dépendance » dans les Ehpad de 23 départements expérimentateurs qui vise, à terme l’harmonisation des sources de financement sur l’ensemble du territoire et dont le chantier doit entrer dans le dur « d’ici au mois de juillet prochain », précise Maëlig Le Bayon, directeur général de la Caisse.
Vient en parallèle la refonte des concours de la CNSA aux conseils départementaux qui doivent, cette année, se voir révisés « dans une logique de simplification, d’équité et de lisibilité ». Pour Jean-René Lecerf, fin connaisseur du dossier en tant qu’ancien président du département du Nord, cette réforme pourrait être l’ouverture d’une nouvelle forme de péréquation entre les collectivités départementales. Si un tel système existe déjà sous forme horizontale afin de répartir équitablement les excédents des DMTO, l’ancien élu nordiste espère en voir émerger un autre, permettant de distribuer les subsides d’Etat aux départements de façon plus équitable, en fonction de leurs besoins « qui ne sont pas les mêmes selon qu’on est dans les Hauts-de-Seine, en Seine-Saint-Denis, en Lozère ou dans la Creuse ».
L’autre grand projet que caresse la Caisse, c’est le lancement d’un « plan Marshall de l’attractivité des métiers du domicile ». Une nécessité au vu du vieillissement de la population qui verra, à l’horizon 2030, plus de 11% des français dépasser l’âge de 75 ans. Un chantier qui s’inscrit dans la vision du virage domiciliaire que porte la CNSA et qui préfère le maintien au domicile des personnes âgées en perte d’autonomie le plus longtemps possible – qu’il s’agisse de domicile adapté, de résidence autonomie ou de d’habitat intermédiaire – plutôt que leur placement en Ehpad. La Caisse compte d’ailleurs lancer, ces prochaines semaines, une mission sur l’habitat intermédiaire pilotée par le conseiller d’Etat Denis Piveteau, déjà auteur d’un rapport sur l’habitat inclusif en 2020.
« Le virage domiciliaire doit s’inscrire dans une véritable logique de parcours. Il ne s’agit pas de penser les solutions de manière uniforme, mais bien de prendre en compte la volonté des personnes. L’enjeu est d’offrir un éventail d’options adaptées aux besoins et aux aspirations de chacun. », explique Jean-René Lecerf. Dans ce contexte, la fidélisation des professionnels du social et du médico-social est un levier essentiel de la prévention dans les territoires, ajoute Maëlig Le Bayon : « nous savons que la perte d'autonomie n'est pas une conséquence inéluctable ni uniforme du vieillissement et que nous pouvons agir pour bien vieillir. Ce constat doit nous permettre d'agir davantage en matière de prévention et d'aller vers les personnes qui en sont le plus éloignées ». Une réflexion globale sur le vieillissement qui aurait dû avoir lieu dans le cadre d’une grande loi Autonomie. Mais celle-ci, pourtant promise, se fait toujours attendre…
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