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Vacances adaptées : "Chacun doit prendre sa part de responsabilité"

Autonomie
Président du Conseil national des loisirs et du tourisme Adaptés, René Moullec, souhaite "que l'Etat prenne l'affaire à bras-le-corps et engage un travail".
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[INTERVIEW] Le Conseil national des loisirs et du tourisme adaptés (CNLTA) publie un livre blanc sur l’avenir des vacances adaptées organisées (VAO) en France. Son président, René Moullec, rappelle les devoirs des différentes parties prenantes et revient sur les principales recommandations formulées par l’organisme.
ASH : Qu’est-ce qui a changé pour le secteur des vacances adaptées organisées depuis l'incendie de Wintzenheim survenu en 2023 ?
René Moullec : Il y a d’abord eu le rapport IGAS [Inspection générale des affaires sociales], immédiatement après l'incendie, sur les circonstances d'organisation. Puis, une circulaire a été publiée en octobre 2023. En juillet 2024, un rapport faisant un état des lieux du secteur est sorti, mais depuis, plus rien. Nous n'avons aucune nouvelle. Soit l’administration ne travaille pas, ce qui nous inquiète, soit elle travaille toute seule, ce qui n'est pas plus rassurant. C'est pour cela que nous nous sommes attelés à la réalisation de ce livre blanc. Nous avons évidemment analysé le rapport de l'IGAS, très intéressant, puis porté un regard rétrospectif et actuel sur notre secteur.
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L'équilibre entre prise de risques et liberté des personnes accompagnées est un enjeu crucial pour le secteur des vacances adaptées…
Oui. Nous comprenons les répercussions de l'incendie de Wintzenheim. Nous avons tous été très choqués, les organisateurs comme les familles et les personnes handicapées. D'un côté, nous avons besoin d’un cadre législatif, qui est apparu en 2005 et a été retravaillé en 2015. À quelques aménagements près, qu'il faut étudier de concert avec les différents acteurs, nous trouvons ce cadre cohérent, correct et suffisant. Il est adapté à cet équilibre entre sécurité et espaces de liberté que doivent trouver les vacances adaptées.
Il y a toutefois un vrai problème concernant les hébergements. Je rappelle qu'il en existe deux types. D'une part, les ERP [Établissements recevant du public] avec des règles claires et des passages de commissions de sécurité. Dans ces cas-là, cela fonctionne parfaitement. D'autre part, les non-ERP, en dessous de 16 lits. Pour ces établissements, la réglementation est floue et n'est pas connue de ceux qui prennent l'initiative d'ouvrir ce type de lieu.
La circulaire d'octobre donne au secteur des vacances adaptées organisées l'obligation de vérifier pour ces établissements si le séjour s'opère dans de bonnes conditions de sécurité. Mais ce n'est pas le travail des organisateurs, nous n'en avons pas la compétence. C'est celle des cabinets spécialisés et des pompiers. Nous voulons nous battre sur ce point pour mettre en place un travail avec l'association des maires, les départements et l'État. Chacun doit prendre sa part de responsabilité.
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En quoi le double rattachement des VAO aux secteurs du tourisme et du médico-social complique-t-il la tâche des professionnels ?
Déjà d'un point de vue administratif, mais ce n'est pas le plus compliqué. Disons que ce double rattachement noie un peu le poisson. Le secteur médico-social s'occupe de nous, mais dans le tourisme, nous ne sommes pas vraiment considérés comme des acteurs à part entière.
Nous souhaitons que la partie touristique soit mieux mise en valeur dans les textes pour notamment permettre aux inspecteurs qui se déplacent sur le terrain de porter un autre regard sur le « temps de vacances ».
Autre point important : nous dépendons normalement tous de la même réglementation, quels que soient les organisateurs et quels que soient les territoires. Pourtant, il y a une interprétation différente des textes selon les départements qui ont des exigences diverses. Tout cela est extrêmement compliqué à gérer pour les organisateurs.
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Qu'attendez-vous de la publication de ce livre blanc ?
Nous voulons que l'État prenne l'affaire à bras-le-corps et engage un travail, non pas ponctuel, mais permanent avec l'ensemble des parties prenantes du secteur.
Parmi les propositions que nous avons formulées, figure la mise en place d'un Observatoire et d'un Grenelle des vacances adaptées. Ce dernier permettrait de réfléchir au droit à partir en vacances, non pas simplement sur le principe, mais de manière opérationnelle. Nous demandons aussi une réflexion sur le devenir des aides aux vacances pour les clarifier et les généraliser.
Nous souhaitons par ailleurs être associés lorsqu'un organisme rencontre des difficultés, avant qu'il y ait des décisions de fermeture ou de retrait d'agrément. Des erreurs peuvent être commises, il s'agit d'un secteur complexe. Il est important de pouvoir comprendre ce qui se passe et qu'il n'y ait pas seulement une réponse administrative.
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Il existe aussi un enjeu important concernant la formation des étudiants en travail social...
En effet, chaque année, 55 000 personnes partent en vacances et 12 000 autres les accompagnent. Il suffit qu'il n'y ait pas ces accompagnateurs pour que les départs soient annulés, ce qui se passe parfois.
Il faut agir de plusieurs façons. Tout d'abord sur la qualité de la formation proposée, ensuite sur la valorisation de cette expérience professionnelle.
Pour les personnes déjà engagées dans des formations, il est important qu'elles puissent faire des stages et que ces stages soient validés par un organisme. Ce qui n'est pas le cas actuellement. Comme nous l'évoquions tout à l'heure, le secteur des VAO est suivi par deux approches, le tourisme et le handicap, mais nous restons en dehors de tous les radars.