Vous êtes ici
Santé mentale : le plaidoyer en 4 temps de l’Uniopss

Société
Parmi les douze propositions de son plaidoyer, l'Uniopss suggère de mieux ajuster l'offre de soins entre secteur hospitalier et libéral, et d'étendre la réflexion sur la régulation de l'installation des médecins aux psychologues et psychiatres.
Crédit photo Valeriya Simantovskaya/Stocksy - stock.adobe.com
L’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss) dévoile en avant-première les propositions qu’elle remettra lundi 30 juin à Frank Bellivier, délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie. Elle réclame une « grande ambition nationale », dans la durée.
Il y a bien des signaux positifs. La reconnaissance de la santé mentale comme « Grande cause nationale en 2025 » en est un. Le récent plan psychiatrie, présenté le 11 juin par le ministre chargé de la santé, Yannick Neuder, en est un autre, tout comme la déclaration signée par la France lors de la conférence internationale du 16 juin.
Mais l’Uniopss, qui regroupe plus d’une centaine de structures nationales du secteur social, médico-social et sanitaire, connaît la chanson : au-delà des intentions, elle appelle à des actions concrètes. Elle attend surtout un financement sécurisé qui fait défaut aux dernières annonces du gouvernement. Il s’agit de « passer d’une grande cause à une grande ambition nationale, dans la durée », résume Daniel Goldberg, son président.
>>> A lire aussi : Protection de l’enfance et psychiatrie : quels leviers pour une meilleure coordination ?
Dans un contexte de forte augmentation des troubles psychiques, traversant tout le champ social et médico-social, l’association compte bien faire entendre la voix de ses adhérents et des personnes concernées. Comme elle l’a fait ces dernières années, depuis le consensus de Blois en 2016.
Elle rendra public un plaidoyer intitulé « Santé mentale : l’urgence d’une politique humaine, solidaire et citoyenne » le 30 juin. Une date symbolique au mitan de l’année et cinquante ans jour pour jour après les lois Veil et Lenoir, fondatrices pour l’action sociale et médico-sociale. Le document sera remis à Frank Bellivier, délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, lors d’un après-midi de débat (gratuit sur réservation) à la Mutualité française.
>>> Sur le même sujet : Santé mentale : comment sensibiliser la jeune génération ?
Soulignant l’importance de « privilégier une approche globale », le plaidoyer réclame « une réforme structurelle s’intéressant à la fois aux soins, à la prévention et aux causes sociales profondes de la dégradation psychique, notamment chez les jeunes ».
A travers son plaidoyer, l’Uniopss commente la feuille de route du gouvernement, rappelant les urgences à prendre en compte. Elle développe quatre axes, et douze propositions, dont voici les principales :
1. Reconnaître la citoyenneté des personnes
- Mettre les personnes au cœur de leur parcours de santé en leur donnant les moyens d’agir. Cela passe par écouter leurs attentes et fournir aux représentants des personnes les moyens logistiques de leur participation.
- Réhumaniser l’accompagnement. L’Uniopss propose de garantir un droit à l’oubli, en supprimant l’obligation de déclarer un trouble psychique passé un certain délai sans rechute.
Elle propose également de garantir aux personnes atteintes de troubles psychiques un accès effectif à la prestation de compensation du handicap (PCH). « Elle est permise depuis un décret de 2023, explique Raphaël Moreau, conseiller technique santé et ESMS. Mais dans les faits, les personnels des MDPH [maisons départementales des personnes handicapées] , par manque de formation, ont encore du mal à saisir les notions de troubles psychiques. »
2. Développer l’approche globale en santé mentale et son caractère préventif
- Consacrer le caractère interministériel de la politique publique de santé mentale. Des liens forts existent entre la santé mentale et les autres domaines : la nutrition et l’activité physique, l’environnement, les maladies somatiques, etc. L’Uniopss suggère de transformer la délégation ministérielle en délégation interministérielle.
Elle réclame également un budget pluriannuel. « La feuille de route du gouvernement est assez complète, reconnaît Raphaël Moreau. Mais elle ne contient ni délai dans la réalisation des mesures, ni financements. » - Faire de la prévention en santé mentale la pierre angulaire de l'offre de soins. « On propose de réaliser davantage de repérage précoce, en incluant la santé mentale dans les rendez-vous de prévention, notamment les examens médicaux obligatoires à l’école », explique le conseiller. Ce volet doit, selon l’Uniopss, être également renforcé à l’arrivée dans la protection de l’enfance ou en milieu carcéral.
3. Réorganiser l’offre en santé mentale
- Consolider la gouvernance territoriale de la santé mentale et les moyens financiers. « En l’absence de tout financement supplémentaire et sans agenda clair, tout sauvetage du système de santé mentale sera voué à l’échec, estime l’Uniopss. Aussi, la réorganisation de l’offre doit passer par une gouvernance territoriale forte et appuyée par l’ensemble des acteurs. »
- Améliorer l’entrée et la continuité des parcours de santé. « On préconise la mise en place d’un panier de services en santé mentale pour répondre aux besoins des personnes », explique Raphaël Moreau. Le projet territorial de santé mentale (PTSM) pourra organiser l’offre selon trois piliers visant à proposer un parcours adapté à la personne : l’orientation, l’accompagnement – allant des lieux de répit à un suivi par une équipe pluridisciplinaire en passant par les professionnels de ville – et l’accompagnement renforcé pour les personnes dont les troubles psychiques ont un fort impact sur leur quotidien.
L’Uniopss propose par ailleurs d’étendre la réflexion sur la régulation de l’installation des médecins aux psychiatres et psychologues libéraux. « Aujourd’hui, la France présente l’une des densités de psychiatres et psychologues parmi les plus élevées d’Europe », observe l’association qui veut rééquilibrer les modes d’exercice entre le secteur hospitalier, en crise, et le secteur libéral. « On souhaiterait, poursuit Raphaël Moreau, instaurer des délais opposables pour limiter les temps d’attente avant un rendez-vous. »
4. Mettre en place des actions complémentaires pour les publics spécifiques
- Adapter les dispositifs de soins et d’accompagnement aux populations présentant des vulnérabilités particulières. L’Uniopss cible en particulier les personnes en situation de handicap, de précarité, les détenus, les aidants, les migrants, les jeunes de la protection de l’enfance. Elle suggère de généraliser la nomination de la fonction de coordinateur de parcours et de limiter les délais d’accueil des personnes et encore de mettre en place des formations à l’intention des professionnels et des acteurs en lien avec les personnes (bailleurs, employeurs, juges, etc.).
A travers ses différentes propositions, l’Uniopss veut apporter « une vision globale de ces sujets » et agir sur « un débat faussé de deux manières » : « D’une part, lorsque survient un drame, la santé mentale devient, par le biais des prises de parole, une excuse à un acte qui n’a rien à voir, et met en difficulté la masse des personnes en souffrance psychique, estime le président Daniel Goldberg. D’autre part, les personnes souffrant de troubles psychiques sont trop souvent ramenées à leur situation individuelle : on leur propose des solutions issues d’une activité privée lucrative, pas à la hauteur de leurs besoins, sans considérer que leur pathologie devrait relever d’une politique publique. »
>>> A lire aussi: Enfants à double vulnérabilité : le défi de la coopération