Réduire les terreurs nocturnes en Ehpad (sans prendre de médicaments)

Crédit photo Pavo

C’est une première en France. A Bergerac, l’Ehpad La Madeleine a ouvert un pôle d’activités et de soins adaptés (Pasa) du soir. Une alternative à la consommation de psychotropes qui bénéficie tant aux résidents qu’aux professionnels.

Des ateliers de cuisine, des séances de socio-esthétique, de relaxation, de gym douce ou encore de musico-thérapie… A l’Ehpad La Madeleine, à Bergerac (Dordogne), les résidents les plus sujets aux angoisses nocturnes préparent la nuit dans la ouate d’une activité douce, entourés d’une équipe veillant à leur bien être et à leur confort. Depuis le mois de mai, l’établissement, réputé pour ses services innovants, expérimente un pôle d’activités et de soins adaptés (Pasa) du soir. Jusqu’à présent, ces dispositifs n’existaient, ici comme ailleurs, qu’en journée. Espaces aménagés au sein des Ehpad, souvent ouverts sur les jardins, ils permettent l’accompagnement de 14 personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer et plus généralement de maladies neuro-dégénératives.

Avec des résultats probants, selon le directeur Sylvain Connangle : « Les personnes le fréquentant sont plus apaisées et voient leur consommation de psychotropes diminuer sensiblement. » D’où l’idée, initiée par l’agence régionale de santé (ARS) et le département de la Dordogne, de reproduire l’initiative en soirée, pour ceux qui souffrent d’angoisses nocturnes.

Le syndrome crépusculaire

Car on le sait : dès la fin d’après-midi, à l’heure où pâlit le jour, l’anxiété que connaissent de nombreuses personnes atteintes de maladies neuro-dégénératives a tendance à s’intensifier, et les troubles du comportement, l’agitation, parfois l’agressivité, à se révéler. C’est ce que l’on appelle le syndrome crépusculaire ou le syndrome du coucher de soleil. La nuit, ces angoisses perturbent le sommeil, provoquant des déambulations.

Bien souvent, les structures n’ont pour parade qu’une prise en charge médicamenteuse de ces symptômes. « La fin de journée correspond aussi à un moment clé dans l’organisation des établissements. Les personnels commencent à préparer le repas et n’ont pas le temps de mettre en place une activité et de contenir les anxiétés », explique Rabia Alami, référente du dispositif.

La fin des réveils nocturnes

Désormais, une équipe dédiée – deux aides médico-psychologiques (AMP) à temps plein, une psychomotricienne et une psychologue (toutes deux à 0,2 ETP) ainsi qu’une socio-esthéticienne (0,1 ETP) – apporte une fois par semaine une attention toute particulière aux résidents, prenant soin d’eux de 16 h 30 jusqu’à leur coucher. Le Pasa du soir accueille, en file active, huit personnes sélectionnées sur la base d’une évaluation et de critères définis au moment de l’écriture du projet. L’expérience montre que le dispositif ne convient pas à tous les résidents souffrant de ce syndrome crépusculaire.

« Pour certains, l’essai n’est pas concluant. Lorsqu’ils changent d’environnement, l’angoisse monte au lieu de descendre, constate Rabia Alami. On cesse alors très rapidement l’accueil. » Mais les premiers résultats, même s’il est encore tôt pour tirer des conclusions, sont encourageants. « Parmi les personnes qu’on accompagne, aucune n’a plus connu de réveil nocturne », poursuit la professionnelle. Ces temps privilégiés du soir permettent de transmettre aux équipes diurnes des informations précieuses sur ce qui apaise telle ou telle personne.

Un guide en préparation

Et s’il réduit l’angoisse des résidents, le dispositif améliore par ricochet le quotidien des intervenants, moins dérangés par ces personnes agitées, qui déambulent la nuit. « On a trop tendance à cibler nos interventions sur les résidents, sans penser aux professionnels. Ce projet coche les deux cases », se réjouit Sylvain Connangle. Alors que l’expérimentation doit s’achever en 2026, son établissement planche, à la demande de l’ARS, sur un guide d’implantation du dispositif pour permettre à d’autres structures de s’en emparer. En attendant sa publication, envisagée pour l’an prochain, certaines ont déjà sollicité l’Ehpad. Signe d’un intérêt réel pour la démarche.