Présidentielle 2022 : l'accessibilité de la campagne scrutée par le CNCPH

Crédit photo Patricia Huchot-Boissier / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Sites internet, réunion publiques, programmes : les moyens de suivre la campagne présidentielle sont truffés d’obstacles pour les personnes en situation de handicap. Pour tenter d’y remédier, le CNCPH a créé un observatoire dédié à son accessibilité, et à celle des futurs scrutins.

Le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) a lancé, le 27 janvier dernier, l’Observatoire de l’accessibilité des campagnes électorales. L’objectif : analyser les campagnes de chaque candidat et rendre des rapports hebdomadaires sur les améliorations mises en place. « Notre but n’est pas de flinguer, explique le président du CNCPH, Jérémie Boroy, mais d’avoir une démarche la plus incitative possible pour amener les candidats à faire ce qu’il faut. »

Car les propositions sont nombreuses pour rendre compatibles les supports numériques, réunions publiques, professions de foi, permanences de campagne ou rencontres des électeurs avec les handicaps, qu’ils soient moteur, auditif, visuel, intellectuel ou psychique. « Pour chaque problématique, on regarde 3 ou 4 critères, détaille Jérémie Boroy. Par exemple, lors d’une réunion publique, on analyse la scène, la salle, la manière d’y accéder et la retransmission (avec langue des signes ou sous-titres). Pour les programmes et professions de foi, on regarde si une version Facile à lire et à comprendre (FALC) est proposée. Et concernant les sites, le premier critère est de regarder si le candidat affiche ce qu’il prévoit de faire en matière d’accessibilité : a-t-il un contact spécifique sur ces questions ? annonce-t-il le déroulé des meetings ? etc. »

Les bons et les mauvais élèves

Après plus de trois semaines d’analyse, le paysage politique se précise puisque, désormais, la trentaine de volontaires de l’Observatoire de l’accessibilité des campagnes électorales se concentrent sur les candidats ayant plus de 100 parrainages. Parmi eux, et par rapport à 2017, il existe davantage d’interprètes en langue des signes et ils font leur apparition plus tôt dans la campagne.

Le premier de la classe sur ce sujet est Jean-Luc Mélenchon, qui « laisse une large place à l’interprète (1/3 de l’image) », quand celui de Marine le Pen « a la taille d’un timbre-poste ». Il a au moins le mérite d’être là car, chez Eric Zemmour, rien n’est affiché pour aider à la compréhension, ni interprète ni sous-titres. Entre ces deux extrêmes, les candidats ont de plus en plus le réflexe de faire appel à un traducteur en langue des signes ou à la transcription simultanée. « Il se passe enfin quelque chose, ce qui doit être visible l’est », se réjouit le président du CNCPH.

Des progrès encore trop lents

Selon le handicap, ces évolutions sont loin d’être suffisantes. « On a aujourd’hui du matériel adapté, explique Cendrina Brisse, chargée de sensibilisation à l’Union nationale des aveugles et déficients visuels (Unadev). Les ordinateurs avec assistants vocaux permettent une ouverture sur le monde et la société. Mais les sites des candidats ne suivent pas. Et le problème, c’est que si on ne peut accéder qu’à un seul programme, il y a de fortes chances pour que l’on choisisse celui-là, ou que l’on ne vote pas. Le manque d’accessibilité restreint les personnes dans leur choix, voire choisit pour elle. C’est un vrai problème démocratique. »

La sanction financière, une solution ?

La dernière loi organique pour l'élection du Président de la République de 2021 dit que les candidats à l'élection présidentielle doivent "veiller à l'accessibilité de leur campagne". « Pour ce faire, la base serait que les candidats aient une meilleure connaissance du handicap, insiste Cendrina Brisse. Je crois que les candidats ne pensent pas à rendre leur campagne accessible. Il est nécessaire de les sensibiliser, de les former et, pourquoi pas, de les mettre en situation ».

Pour Jérémie Boroy, après la sensibilisation vient la sanction. « Lors d’une élection présidentielle, le budget est encadré et fait l’objet d’un remboursement quand le candidat dépasse les 5% d’électeurs. Nous pensons donc que, pour plus d’efficacité, ce remboursement devrait être lié au respect des règles d’accessibilité. »

Ce principe devrait être appliqué, selon le CNCPH, à toutes les élections dont les budgets sont conséquents : les législatives, les régionales et les départementales. « Il s’agit d’élections où les partis politiques peuvent mobiliser des ressources. Pour les municipales, c’est différent. On ne peut pas comparer les grandes villes et les villages. Mais à terme, l’accessibilité des campagnes devraient concerner toutes les élections, y compris celles des parents d’élèves, de la vie étudiante ou les élections professionnelles. »

Auteur

GARLONN DE MAISTRE