Maltraitance des personnes vulnérables : le gouvernement affiche son plan de bataille

Une nouvelle page s’ouvre dans la lutte contre les mauvais traitements infligés aux personnes vulnérables dans les établissements sociaux et médico-sociaux. Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées présente la nouvelle stratégie gouvernementale triennale dont les premières mesures doivent entrer en vigueur dès cette année et s'étendre jusqu'à 2027. 

« J’envisage cette stratégie comme une mobilisation générale qui doit se poursuivre et s’amplifier », a indiqué la ministre devant un aéropage de professionnels de l’accompagnement. Budgété à une quinzaine de millions d'euros par an, ce plan présenté ce lundi 25 mars – soit au lendemain de la diffusion d’une enquête du magazine Zone interdite (M6) sur les défaillances de l’Etat dans le secteur du handicap – fait suite aux états généraux de la maltraitance qui, de mars à octobre 2023, avaient réuni associations, familles, professionnels et administrations pour plancher sur de meilleures conditions d’accueil des personnes vulnérables dans les instituts sanitaires et sociaux. 

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La constitution de ces groupes de travail faisait elle-même suite à la parution, en 2022, du livre-enquête Les Fossoyeurs du journaliste Victor Castanet qui tirait la sonnette d’alarme sur les situations de maltraitance subies par les résidents des maisons de retraites du groupe Orpea, devenu aujourd’hui Emeis.

Renforcer les contrôles des établissements... et à domicile

Cette mise en lumière des piètres conditions de résidence des seniors a d’ailleurs entraîné la mise en place d’une politique de contrôle systématique des Ehpad dès 2022. Début 2024, la moitié des 7 500 établissements maillant le territoire français avait été effectivement contrôlée, le reliquat devant l’être avant la fin de l’année 2024. Une politique qui doit désormais s’étendre aux institutions médico-sociales accueillant des personnes en situation de handicap, selon les orientations d’une circulaire qui doit être transmises aux agences régionales de santé (ARS) avant la fin du premier semestre 2024.

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Au-delà des seuls contrôles administratifs, le plan de bataille du gouvernement s’appuie aussi sur une meilleure information des personnes vulnérables sur leurs droits. Non seulement contre les maltraitances dont elles pourraient être victimes dans leur cercle privé, via la diffusion massive dès 2024 du référentiel d’évaluation des situations de maltraitance à domicile établi par la Haute Autorité de santé (HAS), mais aussi contre celles qui pourraient survenir en établissements spécialisés grâce à une implication plus importante des conseils de la vie sociale de ces établissements et des associations d’usagers, notamment en matière de recueil des plaintes et de traitement des réclamations.

Un « point d'entrée unique » pour alerter

Ces mesures devraient s’accompagner, dès 2025, d’un renforcement des outils de repérage et de traitement des situations de maltraitance avec, entre autres, la constitution dans chaque territoire d’une instance en charge du recueil, du traitement et de l’évaluation des alertes. Placée auprès de l’ARS, elle constituera un « point d’entrée unique » pour que toute personne puisse faire connaître facilement une situation à risque.

Construite sur le modèle des cellules déjà existantes chargées de recueillir les signalements concernant les victimes mineures, cette instance aura pour tâche de centraliser les alertes, de les transmettre aux autorités compétentes (ARS, préfets, conseils départementaux) et d’effectuer un bilan annuel de ses activités transmis à la Conférence régionale de la santé et de l’autonomie (CRSA). Ce volet du plan stratégique prévoit également une extension des prérogatives des comités locaux d’aide aux victimes (Clav) qui, dès l’année prochaine, devraient voir leur périmètre élargi aux victimes adultes de maltraitance.

Les dépôts de plaintes facilités

Enfin, partant du constat que les victimes de maltraitance osent encore trop peu franchir le pas de faire état de leur situation, le plan de lutte gouvernemental envisage de faciliter le dépôt de plainte par les tiers. En assouplissant, en premier lieu, le secret professionnel qui pourrait empêcher certains acteurs (de santé ou mandataires judiciaires) de signaler les faits dont ils sont témoins, mais aussi en permettant aux établissements bancaires de signaler plus facilement les mouvements de fonds suspects qu’ils pourraient observer sur les comptes de personnes identifiées comme vulnérables.

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Ces dispositions, qui doivent entrer en vigueur en 2024, seront accompagnées, l’année prochaine, d’une sensibilisation renforcée des forces de l’ordre à identifier les situations de maltraitance qui pourraient leur être signalées, ainsi qu’à former, à leur tour, les professionnels du secteur médico-social à l’importance du signalement des délits. Plus radical encore, le contrôle des antécédents judiciaires des intervenants professionnels et bénévoles auprès des publics vulnérables doit être généralisé à l’horizon 2026.