Vous êtes ici
Loi "handicap" : 20 ans après, une "promesse non tenue"

Autonomie
Le rapport à l'occasion des 20 ans de la loi de 2005 préconise notamment la transposition dans le droit français de la définition onusienne du handicap qui permet d’inclure davantage le rôle de l’environnement dans la « production » du handicap.
Crédit photo ANP via AFP
A l’occasion des vingt ans de la loi pour l’égalité des droits et des chances, un rapport pointe les discriminations quotidiennes auxquelles sont encore confrontées les personnes en situation de handicap et appelle à un changement de modèle.
L’heure est au bilan. Vingt ans après la promulgation de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, les conclusions d’un rapport rendu par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale sont « sans appel ». « Si des avancées réelles ont été permises et que la loi a indéniablement inscrit durablement la question du handicap à l’agenda public, le bilan est néanmoins celui d’une promesse non tenue et d’une ambition contrariée », dépeignent les rapporteurs Christine Le Nabour, députée d’Ille-et-Vilaine (Ensemble pour la République), et Sébastien Peytavie, député de Dordogne (Les Écologistes - EELV).
Que ce soit sur les questions d’accès aux droits, d’éducation, au sein du milieu professionnel ou dans l’espace public, les personnes en situation de handicap sont aujourd’hui encore discriminées. « C'est toujours le parcours du combattant », souligne Christine Le Nabour, précisant qu’aucun des acteurs auditionnés ne remet en cause la loi de 2005, mais qu’ils appellent en revanche à son application.
>>> A lire aussi : "Faut-il attendre qu’un enfant se mutile pour qu’on alloue ce crédit à un accompagnateur dans les transports ?"
Définition onusienne du handicap
Le rapport, fondé sur les témoignages de personnes issues du secteur associatif, des institutions, des collectivités ultramarines, des acteurs du bâtiment, etc., formule 86 recommandations pour sortir des « logiques ségrégatives ». Parmi ces préconisations, d’ordre législatif, réglementaire ou budgétaire, on retrouve :
- La transposition dans le droit français de la définition onusienne du handicap qui permet d’inclure davantage le rôle de l’environnement dans la « production » du handicap. Pour rappel, ces dernières années, l’ONU et le Comité des droits sociaux du Conseil de l’Europe ont épinglé la France pour sa politique à l’égard des personnes handicapées.
- Une refonte de la PCH (prestation de compensation du handicap), qui vise à compenser les conséquences du handicap dans le quotidien des personnes. Les rapporteurs plaident pour une approche moins complexe qui prendrait en compte les aspirations de chacun sans se fonder sur un référentiel d’activités « limité et limitant ». Ils recommandent par ailleurs de supprimer la limite d’âge de 60 ans qui plafonne l’accès à cette prestation. Cela engendre « des inégalités inacceptables et incompréhensibles pour les personnes qui sont exclues (…) sur le seul fondement de leur âge ».
- Une réforme du fonctionnement des MDPH (maisons départementales des personnes handicapées). Créés par la loi de 2005, ces espaces censés faciliter les démarches des bénéficiaires sont confrontés à un manque de moyens humains et budgétaires qui engendre des délais de traitement à rallonge et des disparités entre les départements. Les députés préconisent de recentrer le rôle des MDPH sur l’accueil et l’accompagnement, de les décharger de leurs missions les plus simples, et de lancer un service public de l’évaluation pour garantir une homogénéisation du droit sur le territoire.
- Parmi les recommandations formulées, figure également une désinstitutionnalisation progressive qui reposerait sur une programmation pluriannuelle. Un moyen essentiel, pour les rapporteurs, de rendre effectif le droit à l’autodétermination des personnes en situation de handicap. « Aujourd’hui, c’est paradoxal, il est demandé aux associations d’entreprendre cette modification, sans que jamais un gouvernement n’ait pensé une planification, pointe Sébastien Peytavie. Une désinstitutionnalisation à marche forcée n’est pas envisageable. Si les logements, les transports, les formations… ne suivent pas, nous allons mettre en difficulté les personnes concernées et faire reposer toute la responsabilité sur les aidants. »
- Les auteurs appellent à une plus forte présence des professionnels du secteur médico-social à l’école et à l’allocation des moyens nécessaires pour que les pôles d’appui à la scolarité (PAS) puissent fonctionner correctement. Il est également demandé de rendre obligatoire la formation des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) et d’instaurer des « brigades » pour les remplacer en cas de besoin.
- Enfin, il est préconisé de rattacher le ministère chargé des personnes handicapées au Premier ministre. Le fait que ce ministère dépende actuellement de celui de la santé pose problème selon le député de Dordogne : « Cela réduit le champ du handicap à une approche médicale (…) Le handicap doit être l'affaire de tous. »
>>> A lire aussi : Ecole inclusive : la commission mixte paritaire rejette les pôles d'appui à la scolarité