La scolarisation des élèves sourds en France. Etat des lieux et recommandations

A ce jour, les enquêtes de grande ampleur portant sur des jeunes sourds en France et ailleurs, mettent unanimement en exergue les difficultés auxquelles ils sont confrontés tant dans leur parcours académique que professionnel.

Ce rapport a un double objectif : établir un état des lieux de la scolarisation des élèves sourds en France et proposer des recommandations pour en améliorer la qualité, en se fondant sur des travaux scientifiques d’experts du domaine.

A ce jour, les enquêtes de grande ampleur portant sur des jeunes sourds en France et ailleurs, mettent unanimement en exergue les difficultés auxquelles ils sont confrontés tant dans leur parcours académique que professionnel. Elles peinent cependant à prendre en compte l’hétérogénéité de cette population. Or, pour tout enfant sourd, les caractéristiques de sa surdité, celles de sa compensation par des prothèses (audioprothèses ou aides auditives et implants cochléaires), son mode de communication, les antécédents linguistiques de ses parents mais aussi son mode de scolarisation, retentissent sur ses performances scolaires.

Les neurosciences de l’audition, les neurosciences cognitives, la linguistique et la psycholinguistique, nous apprennent qu’il existe une période sensible (avant l’âge de l’entrée en maternelle) pendant laquelle il est important que les enfants bénéficient d’un « bain de langage » adapté pour favoriser leur développement aussi bien linguistique qu’affectif. Jusqu’à récemment, ce n’était pas le cas pour beaucoup d’enfants sourds. Les causes probables des difficultés rencontrées dans les apprentissages scolaires sont à la fois historiques et contextuelles. En effet, le dépistage néonatal systématique de la surdité n’est réalisé sur le territoire national que depuis 2012. La pose précoce d’un implant cochléaire chez le bébé sourd profond avant l’âge d’un an n’est préconisée que depuis peu. La Langue des Signes Française (LSF) est reconnue par la loi, officiellement comme « langue à part entière » seulement depuis 2005. Enfin, la Langue française Parlée Complétée (LfPC), code manuel destiné à faciliter la lecture labiale en levant ses ambiguïtés, est peu connu du grand public malgré son introduction en France dés 1987.

Aujourd’hui aucune étude ne permet de conclure qu’un mode de communication est plus performant que l’autre pour tous les jeunes sourds ; des réussites scolaires sont observées chez des élèves sourds porteurs d’aides auditives ou implantés, exposés à une approche bimodale (auditive et visuelle) de type soit monolingue (Français parlé accompagné de la LfPC), soit bilingue (Français parlé et Langue des Signes Française), à partir du moment où l’enfant bénéficie de ces aides précocement, de façon régulière et intensive. La littérature scientifique internationale nous incite toutefois à nous pencher sur les avantages d’un programme d'enseignement bilingue bimodal avec pour langues, le français parlé avec LfPC et la LSF. La mise en pratique précoce de ce programme devrait donner aux enfants sourds les moyens d’une inclusion scolaire et sociale réussie. Pour ce faire, nous recommandons :

1) Un dépistage systématique des atteintes auditives dès l’entrée en petite section de maternelle (3 ans) et un suivi renforcé au début du cycle du primaire (6 ans) afin que celles survenues ou qui ont progressé depuis la naissance puissent être détectées et que les élèves étrangers nouvellement arrivés en France puissent également être testés (dépistage et suivi organisés par l’éducation nationale et/ou les pédiatres) ;

2) Un plan de formation plus conséquent pour les enseignants qui travaillent auprès des enfants sourds, leur assurant une bonne connaissance : - des difficultés que rencontrent les enfants sourds dans leur vie scolaire au quotidien et des possibilités de les réduire, - de la maîtrise de la LSF et de la LfPC et l’acquisition de pratiques d’enseignement adaptées aux élèves sourds ;

3) Une augmentation du nombre de pôles d’enseignement des jeunes sourds (PEJS) « complets » de la maternelle au lycée sur l’ensemble du territoire français avec les deux parcours (monolingue : Langue française accompagnée de la LfPC) et bilingue : langue française accompagnée de la LfPC et Langue des Signes Française) ;

4) Des programmes éducatifs rigoureusement évalués à travers des travaux de recherches pluridisciplinaires pour s’assurer de leur efficacité auprès des élèves sourds ;

5) Un livret de référence accessible en français et en LSF (version papier et vidéo sous-titrée), régulièrement mis à jour, portant sur les différentes options possibles de scolarisation et leurs conditions de mises en œuvre et destiné aux parents, aux différents professionnels de l’éducation (y compris les différents inspecteurs de l’éducation nationale) et de la santé. Enfin, nous considérons que les efforts doivent porter sur le développement d’une école inclusive au sein d’une société devenant elle aussi davantage inclusive.

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