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Emploi et handicap : la discrimination à l’embauche objectivée par une étude inédite

Autonomie
APF France handicap formule plusieurs préconisations en matière d'emploi et de handicap, dont la création d'un observatoire national des discriminations pour mesurer et publier régulièrement les pratiques discriminatoires.
Crédit photo Fikri Haikal - stock.adobe.com
À l’occasion de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées 2025, APF France handicap et l’université Claude Bernard Lyon 1 ont mené ensemble une vaste opération de testing de candidatures. Le bilan est accablant.
Vingt ans après la loi du 11 février 2005, les préjugés persistent. APF France handicap, en partenariat avec l’université Claude Bernard Lyon 1, a mené pour la première fois en France un testing de candidatures afin d’objectiver les processus discriminatoires liés au handicap dans le recrutement. Réalisé entre février et septembre 2025, il révèle, chiffres à l’appui, que le handicap, surtout moteur ou cumulé, constitue un frein majeur à l’embauche, malgré un arsenal juridique censé protéger les candidats.
« Le testing est la méthode la plus fiable et percutante pour démontrer une discrimination. C’est aussi un levier puissant pour interpeller, convaincre et mobiliser », explique Carole Salères, conseillère nationale Emploi, travail, formation et ressources à l'APF France handicap.
Deux types de métiers observés
1 974 offres d’emploi (884 pour des postes de secrétaire-réceptionniste et 990 pour d’assistante comptable) ont été testées en Île-de-France et à Lyon, avec des candidatures fictives de jeunes femmes peu qualifiées, en situation de handicap ou non. Trois types de handicaps ont été sélectionnés : auditif, moteur et un cumul des deux. Principal enseignement accablant : le handicap réduit significativement les chances d’être recontacté. Le taux de réponses positives (entretiens, demandes d’informations) s’élève à 27,6 % pour les candidatures sans handicap, contre 22 % pour celles avec handicap, soit un écart de 5,6 points.
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Ce sont le handicap moteur et le cumul de handicaps qui sont les plus pénalisés. Plus le poste est exposé au public, plus le handicap pose un problème. Certains outils de recrutement comme le CV vidéo aggravent la discrimination. « Quand le handicap est révélé en vidéo, les freins sont extrêmement forts. Les taux de rappel sont divisés par trois », constate Marion Goussé, professeure d’économie à l’Ecole nationale de la statistique et de l’analyse de l’information.
Les entreprises dont les locaux sont accessibles (rampes, parking adapté, etc.) répondent plus favorablement aux candidatures mentionnant un handicap. L’écart avec une candidate valide est alors réduit. Quant à la mention RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé), elle ne produit aucun effet mesurable, probablement parce qu’elle reste peu repérée dans le flux de lecture du recruteur.
Des préjugés tenaces
L’étude confirme que les recruteurs associent encore le handicap, surtout moteur, à des difficultés, coûts et contraintes. « Ils semblent particulièrement appréhender le contact avec le public, notamment dans les secteurs du commerce, de l’hôtellerie et de la culture », note Marion Goussé. D’ailleurs, selon le dernier baromètre Agefiph-Ifop (septembre 2025), seulement 22 % des employeurs estiment que l’intégration d’un collaborateur en situation de handicap moteur est facile, contre 47 % pour le handicap auditif.
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Pour APF France handicap, ces résultats révèlent une « difficulté sociale construite » : les préjugés agissent comme une prophétie auto-réalisatrice, éliminant d’office des candidats compétents, sans même leur laisser une chance de prouver leurs capacités.
Proposition de loi
Face à ces constats, APF France handicap formule plusieurs préconisations :
- La première serait de créer un observatoire national des discriminations pour mesurer et publier régulièrement les pratiques discriminatoires. L’association souhaite que les recruteurs soient systématiquement formés à la lutte contre les stéréotypes, en ciblant particulièrement les handicaps les plus stigmatisés.
- Le changement passe aussi par la mise en accessibilité globale des entreprises (locaux et outils numériques).
- Dernier point : revoir les modes de recrutement en ne considérant pas seulement le CV et en limitant l’usage de l’IA potentiellement génératrice de biais.
L’association porte également une proposition de loi pour renforcer l’effectivité du cadre légal afin de lutter contre les discriminations dans la sphère professionnelle. « Si de nombreux textes sont désormais mobilisables en cas de traitements discriminatoires, en particulier dans le domaine de l’emploi, cet arsenal juridique demeure largement méconnu et insuffisamment mobilisé, et présente des imperfections qui en limitent l’opérationnalité », explique l’APF. Cette proposition de loi intègre le refus d’aménagement raisonnable comme une forme de discrimination. Elle crée aussi une amende civile proportionnelle en cas de manquement de l’employeur.
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