Ehpad : les contrôles multipliés mais peu efficaces

Crédit photo Thibaud MORITZ / AFP

Au moment où l’ARS Ile-de-France a publié, le 13 juillet, les résultats des inspections menées depuis le début de l’année dans les établissements franciliens, la commission des affaires sociales du Sénat révélait les conclusions de son enquête sur les Ehpad. Celles-ci sont cinglantes : les contrôles doivent être renforcés, étendus et mieux coordonnés.

Après la sortie du livre Les fossoyeurs qui dénonçait les pratiques du groupe privé Orpea, le Sénat avait décidé de lancer une enquête sur « le contrôle des Ehpad ». Ses résultats viennent d’être rendus publics, le 13 juillet, par sa commission des affaires sociales, et ils sont sans appel : « les autorités de contrôle peinent à remplir leurs missions ».

Comme le rappelle les auteurs de ce rapport, Catherine Deroche (Les Républicains), Michelle Meunier (Groupe socialiste, écologistes et républicains) et Bernard Bonne (Les Républicains), environ 2 800 missions d’inspection ont été menées sur la période 2018-2021, soit près de 700 par an en moyenne. Un nombre insuffisant car, en pratique, « un Ehpad est contrôlé tous les 20 ou 30 ans », déplore la mission d’information.

« Aveu d’une politique insuffisante »

« Le gouvernement a annoncé (…) un vaste plan de contrôle des 7 500 Ehpad de France, ce qui sonne comme l’aveu d’une politique insuffisante en matière de contrôles de routine », insistent les auteurs du rapport. D’autant que « le régime de sanctions à la disposition des autorités compétentes montre des limites ». Les sénateurs avancent une autre explication aux difficultés rencontrées : les ARS (agences régionales de santé), chargées de contrôler les établissements, ne disposent pas de suffisamment de personnels pour le faire.

En 2018, 2 700 des 8 300 équivalents temps plein (ETP) travaillant dans les ARS étaient juridiquement habilités à réaliser des contrôles, dont 500 seulement consacrés à l’inspection-contrôle, soit 6 % des ETP totaux, lesquels se consacrent pour moitié à la santé environnementale. « Il n’en reste donc que 230 pour le champ sanitaire et médico-social », souligne l’enquête.

Un établissement francilien sous administration provisoire

Pour autant, ces contrôles existent et, dans certains cas, des décisions sont prises. Ainsi, l’ARS Ile-de-France a publié, le 13 juillet, les conclusions de 101 inspections-contrôles menées ces cinq derniers mois. A l’issue de cette campagne, un établissement a été placé sous administration provisoire et un peu moins d’un tiers des structures a fait l’objet d’une ou plusieurs injonctions.

L’ARS précise que ​la majorité des injonctions a porté sur la gestion des ressources humaines (26 injonctions, 13 établissements concernés), la gestion des risques (24 injonctions, 12 établissements concernés), et l’organisation de la prise en charge (19 injonctions, 10 établissements concernés). Et d’ajouter que « la phase contradictoire a conduit à lever 10 injonctions au total, qui concernaient 5 établissements ».

Les préconisations des sénateurs

Si l’ARS Ile-de-France assure « se mobiliser » pour que ces injonctions ne restent pas lettre morte, l’enquête sénatoriale montre bien qu’il y a encore des progrès à faire en la matière. C’est pourquoi les auteurs avancent 24 préconisations pour améliorer la situation. Ils recommandent par exemple « d’étendre la campagne de contrôle annoncée par le gouvernement aux sièges des groupes privés lucratifs multi-gestionnaires d’Ehpad » ; « d’attribuer des moyens supplémentaires aux autorités de tarification et de contrôle pour accroître le nombre de missions d’inspections-contrôles dans le secteur médico-social » ; « de donner un droit d’opposition élargi aux autorités de tarification et de contrôle sur les transferts d’autorisation (et notamment en cas de vente) » ou encore « d’imposer une obligation de réponse sur la suite donnée aux signalements de maltraitance adressés par les familles aux autorités tarificatrices et de contrôle ».

Auteur

  • MAXIME RICARD