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Ecole inclusive : " On ne vit pas de ce travail, on survit ", estiment les AESH (3/4)

Autonomie
Les AESH représentent le deuxième métier de l’Éducation nationale en termes d’effectifs, avec 137 300 professionnelles à la rentrée 2025.
Crédit photo Tim Douet
[ENQUETE] Mal payées, épuisées, souvent affectées à plusieurs établissements, les accompagnantes d’élèves en situation de handicap (1) dénoncent des conditions de travail indignes d’un métier pourtant au cœur du projet d’école inclusive.
Durant ses premières années en tant qu’accompagnatrice d’élèves en situation de handicap (AESH), Aurélie Lye a eu à sa charge un seul jeune « multi-dys », du CM1 au lycée, à Agen (Lot-et-Garonne). Dix ans plus tard, ses conditions de travail et la qualité de l’accompagnement qu’elle peut fournir n’ont plus rien à voir : avec trois élèves, « il faut jongler entre les emplois du temps pour être présente dans les matières les plus centrales ».
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Depuis la rentrée, elle passe ses matinées dans une école élémentaire pour épauler un enfant présentant un trouble déficit de l’attention ; puis elle file au collège l’après-midi, auprès de deux élèves de 4e souffrant de phobie scolaire, de crises d’angoisse et d’une importante fatigabilité. « Je prends les notes du cours pour l’un, et l’autre se retrouve sans personne. Qui je choisis ? On fait du quantitatif au détriment du qualitatif... »
Un manque récurrent
Avec la mise en place de l’inclusion scolaire, les AESH en sont devenues la figure phare et, petit à petit, le deuxième métier de l’Éducation nationale en termes d’effectifs, avec 137 300 professionnelles à la rentrée 2025. Un nombre en augmentation de 67 % par rapport à la rentrée de 2017, mais qui reste insuffisant pour répondre aux besoins des 355 260 élèves bénéficiant d’une notification pour un accompagnement. À tel point qu’à chaque rentrée le manque d’AESH est devenu un marronnier dans la presse locale. « Quand une famille médiatise le manque d’AESH pour son enfant, ça dérange, et donc on retire un AESH à un élève pour l’attribuer à un autre. Ça m’est arrivé deux ans de suite », assure Sandy Guyomard, AESH dans les Côtes-d’Armor.
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Cofondatrice avec sa collègue Caroline Lagadeux de l’association AESH en lumière, elle fait remonter la nette dégradation de leurs conditions de travail, à l’heure où le suivi mutualisé (une AESH pour plusieurs élèves) est devenu la norme, et depuis que les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) ont été mis en place en 2018. Créés pour organiser sur le terrain les missions des accompagnantes aux côtés des élèves concernés, les Pial déterminent leurs périmètres d’intervention, parfois très larges. Début octobre, 25 AESH ont d’ailleurs été licenciées en Ille-et-Vilaine parce qu’elles refusaient de signer un avenant à leur contrat élargissant ce périmètre « de 10 à 30 établissements, sans prime, sans dédommagement », d’après l’une d’elles citée dans Le Monde.
À peine 1 000 € par mois
Cette pénurie de professionnels impose à certaines AESH de suivre jusqu’à une dizaine d’élèves sur la même période dans différents établissements. Difficile, dans ces conditions, de créer un lien avec les équipes enseignantes – qui se montrent parfois hostiles à leur égard, allant jusqu’à leur refuser l’accès à la salle des professeurs – et de mener à bien leurs missions. « On donne tellement peu de moyens à certains élèves dys qu’ils se sentent laissés à l’abandon et deviennent verbalement agressifs avec nous », assurent Caroline Lagadeux et Sandy Guyomard.
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Coadministratrice du collectif AESH en action, Aurélie Lye parle pour sa part d’une « perte de sens au travail », qui a des répercussions directes : démissions en cascade et arrêts pour burn-out. D’autant que le métier souffre déjà d’une très faible attractivité : la plupart des professionnelles sont contraintes de travailler à temps partiel, pour un salaire mensuel d’à peine 1 000 €. Aurélie Lye résume : « On ne vit pas de ce travail, on survit. »
Pour une meilleure reconnaissance
Pour y remédier, les AESH demandent une revalorisation salariale, mais aussi à accéder à un statut qui offrirait une meilleure reconnaissance. En 2024, deux propositions de loi ont été déposées dans ce sens, d²emandant chacune la création d’un corps de fonctionnaire de catégorie B. Le but : « sortir de la précarité », « accéder à la formation » et « procéder à la clarification de leurs missions », selon le texte déposé notamment par Corentin Le Fur, député LR des Côtes-d’Armor.
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