Contrôle des Ehpad : après l'affaire Orpea, le secteur réclame les résultats

Crédit photo Herve Chatel / Hans Lucas via AFP

Après les révélations du livre « Les fossoyeurs » sur le groupe privé Orpea, le renforcement des contrôles dans les Ehpad devait constituer une vaste opération de transparence. Plus d’un an après, le compte n'y est pas.

Alors qu'ils n'étaient contrôlés qu'une fois tous les 20 ans en moyenne, après l'affaire Orpea en janvier 2022, le gouvernement avait annoncé le contrôle des 7 500 Ehpad (établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) existant en France dans les deux ans. En décembre 2022, un premier bilan faisait état de 1 400 contrôles dont 49 % dans le privé lucratif, 26 % dans le non-lucratif et 24 % dans le public. Depuis, silence. Pourtant, selon les pouvoirs publics, ces inspections devaient produire « un choc de transparence »

De quoi interroger les acteurs du secteur. « Les ARS (agences régionales de santé) sont venues contrôler des établissements dans toutes les régions de France. Nous souhaiterions maintenant que les bilans de ces contrôles soient publiés », demande Jean-Christophe Amarantinis, président du Synerpa (Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées). Et d'ajouter : « A notre connaissance, il y a eu extrêmement peu d’injonctions. Et ce serait aussi faire preuve de transparence que de le dire. »

« Tout le monde sait que c'est catastrophique »

Au 31 décembre 2022, les contrôles menés par les agents des ARS ont donné lieu à 1 800 prescriptions-injonctions et 2 211 recommandations tous champs confondus : gouvernance, fonctions supports, prise en charge des résidents. Par ailleurs, 21 sanctions administratives – tous types confondus – ont été prises et le procureur de la République a procédé à 11 saisines, portant sur des situations de maltraitance non signalées ou de danger pour les personnes âgées.

Ces statistiques mettent l’Etat dans « une impasse », estime Pascal Champvert. « Si on additionne les sanctions et les saisines du procureur, cela représente 33 établissements sur 1 400, soit 0,02 % de malhonnêtes. C’est la raison pour laquelle le gouvernement ne communique pas de nouveaux résultats, assure le président de l’AD-PA (Association des directeurs au service des personnes âgées). En effet, soit il dit que tout va mal, ce qui serait contraire aux statistiques, soit il reconnaît que tout va bien alors que tout le monde sait que la situation est catastrophique. L’Etat s’est donc coincé tout seul. »

« Ce n’est pas se tirer une balle dans le pied que d’admettre que l’on est maltraitant, poursuit-il. C’est mettre l’Etat devant ses contradictions et le manque de moyens accordés. En 2006, le gouvernement de Dominique de Villepin annonçait un ratio d’encadrement à 8 pour 10 dans tous les établissements pour 2012. Dix ans après, nous sommes à peine à 6 pour 10. L'Etat n'a donc pas rempli ses engagements. Cela ne doit pas se retourner contre nous. »

« Nous n'avons pas grand-chose à nous reprocher »

Yann Reboulleau, directeur du groupe Philogeris, gestionnaire de 18 Ehpad et résidences autonomie, se montre plus mesuré : « Juridiquement, ce n’est pas possible de publier l’intégralité des rapports car ils contiennent des informations confidentiellesMais il serait légitime de diffuser des synthèses de ces contrôles. Après l’affaire Orpea, tout le secteur a été présumé coupable. Il y a eu une sorte de délit de faciès surtout envers le privé commercialOr les rares statistiques communiquées montrent que nous n’avons pas grand-chose à nous reprocher. La population doit donc en être informée. »