Accessibilité : le retard s'accumule...

Il fallait s’y attendre, l’ordonnance permettant de modifier la loi de 2005 prend du retard. Annoncée la semaine dernière au Conseil des ministres de ce 10 septembre, elle n’a pas été présentée. Est-ce préjudiciable ?

Il faut tout d’abord rappeler qu’une telle ordonnance est absolument nécessaire. Actuellement, une collectivité ou un transporteur peut voir sa responsabilité recherchée en justice, du fait de l’application de la loi de 2005 (attention à la discrimination). Elle n’est pas abrogée, elle s’applique.

Exemple : le Pays Voironnais, sanctionné pour avoir été pragmatique, mais non conforme, dans sa politique, avec le schéma (irréaliste) prévu par la loi sur le handicap (Conseil d’Etat, 22 juin 2012). En toute logique, par exemple, l’ensemble du parc affecté au transport scolaire devrait être accessible. On sait que ce n’est pas le cas.

Ensuite, rien ne devrait s’opposer à la publication de cette ordonnance. Après une longue concertation entre toutes les parties prenantes, le gouvernement est arrivé à un compromis qui maintient d'un côté (très symboliquement) l’échéance de février 2015, et donne de l’air au secteur en retrouvant la voie du réalisme. Comment ? En permettant aux départements d’élaborer des schémas directeurs prescriptifs (les fameux Ad’AP).

Le département, en sa qualité d’autorité organisatrice des transports, pourra préciser les points d’arrêt et les lignes à rendre accessibles en priorité et préciser l’affectation du matériel roulant, selon un taux de progression vers une accessibilité intégrale (suivant le rythme de renouvellement du parc).

La "sortie" du transport scolaire étant laissée à son appréciation, au terme d’un mécanisme un peu complexe ayant toutefois pour principale vertu de ne pas avoir mis le gouvernement en première ligne sur un sujet sensible (alors que le secrétaire d'Etat chargé des Transports de l’époque, Frédéric Cuvillier, s’était pourtant déclaré favorable à un régime dérogatoire, par détermination de la loi, sans le mécanisme de concertation à mettre en place avec les familles, cf. projet article L1112-1 Code des transports).

L’enjeu est de taille. L’urgence n’est pas que juridique, elle est aussi budgétaire. La mise en accessibilité de l’ensemble des points d’arrêt des transports relevant des départements a été estimée par ces derniers à 15 milliards d’euros. Pour le coût d’un point d’arrêt estimé entre 12000 et 15000 euros. En ce qui concerne le transport scolaire, la mise en accessibilité totale du réseau de transport scolaire a été estimée à 650 millions d’euros par département. L’Assemblée des départements de France estimant, quant à elle, que la mise en accessibilité de l’ensemble des points d’arrêt scolaires représenterait dix milliards d’euros.

Par comparaison, 250 milliards d'euros par an sont consacrés par les départements pour organiser le transport à la demande des enfants scolarisés en classe ordinaire dont le nombre a par ailleurs augmenté de 60% depuis 2005. On comprend sans peine qu’il fallait remédier aux promesses (non budgétées) de la loi handicap. Non budgétées et "imbudgétisables" dans le contexte économique que connaît notre pays, avec une croissance en berne et des déficits qui explosent. D’autant que l’Etat a tendance à baisser son soutien aux collectivités locales, réduction des budgets publics oblige.

La loi autorisant le gouvernement à procéder par ordonnance a été promulguée le 10 juillet 2014 (JO du 11 juillet 2014). Que prévoit-elle ? Une modification de la loi de 2005. Clairement, c’est la fin des promesses non tenables.

Le projet de texte met en place un dispositif d’échéanciers, notamment lié à la durée d’amortissement du matériel roulant : les Agendas d’accessibilité programmée (Ad’AP). Documents de programmation financière des travaux d’accessibilité, ils constituent un engagement des acteurs publics et privés, qui ne sont pas en conformité avec la loi, à réaliser les travaux requis dans un calendrier précis. Et surtout, les sanctions pénales prévues par la loi du 11 février 2005 seront applicables en cas de non respect de l’échéance du 1er janvier 2015 et de l’absence de dépôt d’un Ad’AP.

Article rédigé par La rédaction de Bus&Car le 10/09/2014